vendredi 6 décembre 2013

The Princess and the Frog

Avec La princesse et la grenouille, les studios Disney découvrent enfin qu'un héros peut être Noir...

THE PRINCESS AND THE FROG

Ron Clements & John Musker (2009)

New Orleans, début du XXème siècle. Tiana est une serveuse qui n'hésite pas à travailler double pour ouvrir son propre restaurant (un rêve d'enfance qu'elle nourrissait avec son père décédé). Sa riche héritière de meilleure amie Charlotte est plus intéressée par l'arrivée en ville du prince Naveen, qu'elle compte bien épouser.
Ce dernier tombe dans les griffes du Dr. Facilier, un sorcier vaudou malfaisant qui le transforme en grenouille et donne à son valet l'apparence du prince.
Naveen rencontre Tiana qui accepte de l'embrasser, mais à l'inverse du conte, c'est elle qui se transforme en grenouille.
Ils n'ont que quelques jours pour briser le sortilège du Dr. Facilier. Les deux grenouilles vont voyager à travers le bayou pour rejoindre la Nouvelle Orléans, avec l'aide de leurs nouveaux amis : Louis, un alligator qui aspire à devenir trompettiste, et Ray un luciole cajun.
D'un point de vue général, on regarde un Disney sympathique qui renoue avec les dessins d'antan (d'avant l'animation numérique), et propose un palette de personnages secondaires truculents, en particulier l'alligator trompettiste et la luciole cajun.

Cependant, annoncé comme le premier Disney mettant au premier plan des Afro-Américains, on ne peut échapper à l'analyse de la représentation de ceux-ci. Et, pour ma part, je ne peux cacher ma déception devant le peu de risque pris par les producteurs, voire même leur conformisme face aux stéréotypes les plus éculés.
Le dessin, d'abord : il n'y a que la teinte qui fait de Tiana ou du prince Naveen des "Noirs", ils n'ont aucune caractéristiques physiques qui les différencient d'autres personnages de Disney, pas même l'apparence capillaire. Les plus "typés" des personnages sont malheureusement le méchant sorcier vaudou et les musiciens de jazz croisés ça et là.
Quant au scénario, tout est tempéré, comme pour éviter les critiques : il y a un méchant noir et un méchant blanc (le second étant tout de même le jouet du premier), la meilleure amie de Tiana est une riche blanche égocentrique mais gentille, dont le père est un débonnaire magnat du coton... Il y a bien une petite allusion, au racisme, mais dans l'ensemble tout le monde semble vivre paisiblement à sa place dans la Nouvelle Orléans et la Louisiane du début XXème siècle.
L'époque a changé, on est donc loin de Song of the South, fable paternaliste teintée de racisme des années 50. Mais il n'y a rien de choquant pour les bonnes mœurs ; les méchants sont des arrivistes qui veulent du pouvoir, et l'héroïne un exemple de l'american dream, où ceux qui entreprennent et travaillent atteignent leurs rêves.

Plusieurs acteurs ou personnalités prettent leur voix aux personnages animés : Keith David au sorcier, Oprah Winfrey à la mère, Terrence Howard au père, Michael Colyar au cuistot, Jenifer Lewis à Mama Odie, ou encore June Christopher et Kimberly Russell. Enfin, le compositeur Terence Blanchard offre ses talents musicaux aux morceaux de trompette joué par Louis l'alligator.
Pour ce qui est de la VF, les "personnalités" sont loin des grands classiques puisqu'on a seulement droit à Liane Foly et Anthony Kavanagh ; or, j'en profite pour fustiger une fois encore les adaptations françaises qui accentue les représentions racistes, puisque Kavanagh surjoue l'accent "petit nègre", alors que l'accent original est un accent cajun totalement différent.

lundi 2 décembre 2013

Lil' Pimp

On passe du tout au tout avec deux dessins animés complètement différents. D'abord Lil' Pimp...

LIL' PIMP - Mark Brooks & Peter Gilstrap (2005)

C'est l'histoire d'un petit garçon solitaire (Mark Brooks) dont le père est mort et dont la mère présente quelques lacunes éducatives. Souffre-douleur des gamins du quartier, son seul ami est une gerbille mâle obsédée et vulgaire nommée Weathers (Ludacris).
Un soir, il rencontre Sweet Chiffon (Kimberly "Lil' Kim" Jones), une prostitué qui lui fait découvrir "The Playground", un club de strip tenu par le proxénète Fruit Juice (Bernie Mac). Le garçon va rêver de devenir mac lui aussi...
On retiendra de ce métrage d'animation qu'il est d'abord une prouesse technique puisqu'il est le premier réalisé avec Macromedia Flash. Ceci étant posé, il est rapidement oubliable...
Réalisé par Mark Brooks (qu'on retrouvera sur la très bonne minisérie animée Black Panther), le film souffre à mon avis précisément de son support technique et s'avère visuellement lassant. L'intrigue aussi devient vite redondante, une fois passée le premier tiers du film où l'on sourit éventuellement des quiproquos qui amènent le petit garçon à devenir mac.
Pour le reste, se pose toujours le même débat de la glorification du proxénétisme et de la prostitution versus le traitement humoristique d'un phénomène social réel et d'une culture associée...

Comme dans les films d'animation des grands studios, on retrouve quelques stars qui prêtent leurs voix au personnage : Bernie Mac en premier lieu qui double le pimp Fruit Juice, les rappeurs Ludacris, Mystikal et Lil' Kim, le célèbre animateur de radio Big Boy, la bimbo Carmen Electra, l'acteur John C. McGinley et les professionnels du doublage Kevin Michael Richardson et Jill Talley.
Plus rare mais très raccord avec le sujet, Rudy Ray Moore prête sa voix à un styliste spécialiste de la mode pimp... rigolo.

mardi 26 novembre 2013

Training Day

20 ans après Carbon Copy, Denzel Washington est devenu d'abord une véritable idole pour la communauté afro-américaine et plus généralement une star hollywoodienne enfin oscarisée !

TRAINING DAY - Antoine Fuqua (2001)

Nouvelle recrue aux stups de la police de Los Angeles, Jake Hoyt (Ethan Hawke) ambitionne de devenir inspecteur. Pour celà , il a droit à une journée de mise à l'épreuve, un "training day" sous la houlette du sergent chef Alonzo Harris (Denzel Washington).
Le jeune et intègre Jake Hoyt n'est pas sans connaître la réputation de ce vétéran de la lutte antidrogue maintes fois décoré. Mais face au cynisme et à l'imprévisibilité de Harris, l'admiration cède peu à peu le pas au doute...
Auteur de Bait et Brooklyn's Finest ou, dans un tout autre genre de King Arthur, le réalisateur afro-américain Antoine Fuqua propose un policier dramatique à la violence omniprésente. Pas une violence stylisée et complaisante, plutôt une violence visuelle crue et une violence psychologique parfois insoutenable.
C'est en tout cas le réalisme qui prévaut pour montrer la guerre sans fin que se livrent dealers et policiers ; et plus encore les frontières poreuses entre les deux mondes.

Le scénariste blanc David Ayer et le réalisateur Antoine Fuqua ont tous deux grandit dans cette ambiance de guerre civile larvée. Ils complètent cette expérience personnelle par les conseils d'anciens flics (Paul Lozada et Michael Patterson). Et, à l'opposé, Cle Shaheed Sloan -un ancien membre des Bloods introduit dans le milieu du cinéma par Jim Brown via son association- assure la partie "gang relationship" ; il faut dire que par soucis de réalisme, Antoine Fuqua tourne à Watts, South Central ou Crenshaw (pratique quasi inédite à Hollywood, où les décors urbains sont recréés en studios ou adapté dans des quartiers tranquilles) et Shaheed "Bones" Sloan sert de facilitateur avec les habitants et les véritables membres de gang qui acceptent d'être figurants.
Le résultat présenté au public est bluffant et, en sus, cartonne au box office avec des recettes de plus de 100 millions de dollars.

La musique est signée par Mark Mancina et agrémentée des chansons de Cypress Hill, P. Diddy ou Xzibit, ou encore du tube "Still D.R.E. de Dr. Dre et Snoop Dogg ; ces deux rappeurs les plus représentatifs du gangsta rap à l'époque apparaissent d'ailleurs dans de petits rôles.
Mais pour l'essentiel, la noirceur et par conséquence l'âme du film réside dans le personnage incarné magnifiquement par Denzel Washington. Il décroche enfin un Oscar lors de la cérémonie de 2001 (Ethan Hawke était pour sa part nommé pour celui du meilleur second rôle).
Cette récompense n'est que justice pour ce grand acteur et pour le travail effectué non seulement sur ce film, mais tout au long des deux décennies précédentes. Et, pour ma part, je dois quand même remarqué que Denzel, qui interprète souvent des rôles positifs (au premier rang desquels Malcolm X), se voit consacré pour celui d'un salaud intégral. Ironie cynique dont Hollywood a le secret...

Au niveau de la distribution, on croise ça et là des tronches bien connues comme Raymond Cruz (curé psychopathe de Brothers in Arms), Eva Mendes (Exit Wounds, All About the Benjamins, Hitch) et Noel Gugliemi (National Security, Street Kings, The Soloist, Our Family Wedding). Certains ne sont même pas crédités comme Terry Crews et Peter Greene. Dans ces petits rôles, une mention spéciale pour le travail phénoménal au rendu ultra-réaliste de Macy Gray (Gang of Roses, Domino, For Colored Girls).
Enfin, signalons aussi la présence de l'ancien gamin de la blaxploitation Tierre Turner qui dirige maintenant des équipes de cascadeurs, dont ici Wayne King et l'ancêtre Tony Brubaker.

jeudi 21 novembre 2013

Carbon Copy

Pour reprendre la publication de mes billets sur les Afro-Américains et le cinéma hollywoodien, un petit détour par les années 80 et le premier film de Denzel Washington...

CARBON COPY - Michael Schultz (1981)

Walter Whitney (George Segal) est un brillant businessman et vit avec sa femme et sa fille dans une "all-white community" à San Marino en Californie.Walter cache un lourd secret, celui de sa confession juive qu'il a soigneusement occultée pour assurer sa promotion dans son milieu raciste.
Mais un autre problème vient dérégler sa respectabilité : l'arrivée d'un fils inconnu, Rodger Porter (Denzel Washington), fruit d'une brève et ancienne relation avec une Afro-Américaine...
Enième comédie du réalisateur afro-américain Michael Schultz, Carbon Copy offre un premier rôle d'importance à Denzel Washington. C'est probablement son seul apport au cinéma...
Dans ce grand frère du Made in America de Whoppi Goldberg, on retient surtout la trame politiquement problématique, en l'occurence le rapide déclin d'un homme blanc, dont tous les éléments de la vie s'écroulent lorsque débarque son fils afro-américain.

Certains décalages entre la famille blanche BCBG et le jeune Denzel sont cocasses. Il arrive même de rire sincèrement parfois, mais il y a tout de même quelque chose de suranné dans ce Carbon Copy. Produit par la RKO alors renaissante dans un contexte politique général des plus réactionnaire, Michael Schultz ne parvient pas à faire vraiment déborder son film du chemin balisé du politiquement correct (de l'époque). La démonstration gentilment anti-raciste est donc des plus attendus et, à contrario, la fin apparaît tellement dramatique que les publics sont trop désorientés.

Très ancré dans son époque donc et plutôt associé à un recul de l'image des Noirs au cinéma, le film est quasi-introuvable et rarement diffusé à la télé. Gageons que sans la présence de Denzel Washington, il serait tombé dans oubli total.
A noter Paul Winfield, acteur des magnifiques Sounder et Gordon's War, qui joue un petit rôle.

mercredi 2 octobre 2013

! Maintenance !

Bon, il fallait que ça arrive : blogspot me fait totalement galéré ! Impossible d'enregistrer les multiples modifications apportées au blog, aux filmographies dans la marge et autres...
Si vous vous y connaissez, laissez moi un commentaire sur ce post.
Je vais essayer de faire au plus vite pour redémarrer (ou migrer chez un autre fournisseur).

[EDIT] Reprise des hostilités dans quelques jours !

mardi 1 octobre 2013

Brewster's Millions

Le titre français Comment claquer un million de dollars par jour ? résume parfaitement le synopsis et l'on serait bien avisé de ne pas aller chercher plus loin...

BREWSTER'S MILLIONS - Walter Hill (1985)

Montgomery Brewster (Richard Pryor) est joueur chez les Bulls, une équipe de baseball qui évolue dans une ligue secondaire. Arrêté suite à une bagarre, Brewster son ami Spike Nolan (John Candy) voient leur caution payé contre la prommesse de se rendre à New-York.
Là-bas, Montgomery Brewster apprend qu'il est le bénéficiaire d'un formidable héritage de 300 millions de dollars. Cependant pour toucher cette somme, il y a une condition : dépenser un million dollar par jour pendant un mois ! L'avocate Angela Drake (Lonette McKee) se retrouve mandater par la banque pour s'assurer que Brewster remplit les conditions...
Comment le talentueux Walter Hill a-t'il pu commettre une comédie si ordinaire ? On le retient essentiellement comme réalisateur du cutissime The Warriors, mais aussi de l'incontournable buddy movie 48 Hrs.
Le scénario est tiré d'un best seller de 1902 et l'adaptation est signée du duo de scénaristes Timothy Harris et Herschel Weingrod à qui l'on doit Space Jam et surtout Trading Places ; retrouve d'ailleurs ici le même esprit autour d'un moralisme gentillet qui remet en cause l'argent-roi. Mais la comparaison s'arrête là.

Même s'il a incontestablement mal vieilli, ce film est représentatif de ces comédies des années 80 où les acteurs afro-américains sont cantonnés aux rôles de bouffons et de beaux parleurs. C'est ici fait, en plus, avec une réalisation des plus conventionnelle, un manque d'humour flagrant et une galerie de personnages tous plus marqués 80s les uns que les autres.
Les mimiques et le bagout de Richard Pryor lassent et (s')épuisent. Entamé avec The Toy, le comique débute une descente aux enfers artistiques qu'il aura grand peine à quitter (en tout cas en tête d'affiche, il se retrouvera en acteur de soutien dans les très bons Mad Dog Time et Lost Highway)

La VF est doublée par Med Hondo, la voix d'Eddie Murphy. La belle Lonette McKee est limitée par un rôle inconsistant. On peut apercevoir, en garde du corps en uniforme, un second rôle récurrent dans les films "blacks" : Ji-Tu Cumbuka (Up Tight !, Top of the Heap, Blacula, Dr. Black, Mr. Hyde, Mandingo, Moving, Harlem Nights).

jeudi 26 septembre 2013

Eddie

L'année 96 fut riche en comédies prenant le basket comme thème...

EDDIE - Steve Rash (1996)

Chauffeuse de limousine à Manhattan, Edwina "Eddie" Franklin (Whoopi Goldberg) est avant une inconditionnelle supportrice des New York Knicks. Alors, lorsqu'elle gagne un concours lors d'un match et devient coach de son équipe favorite, Eddie prend les choses très au sérieux !
Mais entre un entraîneur à la peine (Dennis Farina), un nouveau propriétaire surnommé Wild Bill Burgess (Frank Langella) et des problèmes avec les joueurs -tels le russe Ivan Radovadovitch (Dwayne Schintzius) incapable de comprendre l'anglais ou encore la star de l'équipe : Nate Wilson (John Salley)- Eddie a du pain sur planche...
Cette comédie sportive fait pâle figure à coté du pétillant Space Jam sorti la même année. D'une part les résultats financiers ne sont pas au rendez-vous (avec seulement un maigre remboursement du budget de 30 millions de dollars), mais il souffre en plus d'un manque d'originalité évident dans les ressorts de l'intrigue comme dans le monolithisme des caractères principaux (même comparé au très ordinaire 6th Man).

Comme souvent, malheureusement et heureusement que Whoopi Goldberg est là. Elle joue le même personnage qu'à l'accoutumé -une femme ordinaire, légèrement excentrique, qui ne s'en laisse pas compter- et qu'elle porte ce film assez plat et convenu sur ses talents de comédienne.
Pour la petite histoire Whoopi Goldberg et Frank Langella débutent une histoire durant le tournage, une relation qui tiendra près de 15 ans.

Outre l'humour et la présence de Whoppi, le film repose bien sûr sur la présence de stars de la NBA comme Dennis Rodman, Rick Fox qui commence sa reconversion dans le cinéma, Malik Sealy, Gary Payton (White Men Can't Jump et Like Mike), le commentateur Marv Albert ou encore le dinosaure des parquets Walt Frazier ancien basketteur reconverti dans les commentaires, il apparaît au plus fort de sa carrière sportive dans Aaron Loves Angela.
Il y aussi de nombreux caméos réussis comme entre le richissime Donald Trump, le maire de New York Rudolph W. Giuliani et l'animateur vedette David Letterman.
Au rayon casting plus ordinaire, John Salley (Bad Boys, Hair Show, Mr. 3000, Bad Boys 2Something Like a Business, Black Dynamite) occupe le premier plan. On retrouve aussi George Gore II  (Juice et Dance Flick) ou Isiah Whitlock (25th Hour, She Hate Me et Red Hook Summer).

samedi 21 septembre 2013

Celtic Pride

5 ans après le musclé et réussi The Last Boy Scout, Damon Wayans redevient un sportif professionnel dans A la gloire des Celtics...

CELTIC PRIDE - Tom DeCerchio (1996)


Jimmy Flaherty et Mike O'Hara (Dan Aykroyd & Daniel Stern) sont des fans ultimes des Celtics, l'équipe de basket de Boston. Et ils sont aux anges puisque les Celtics sont à quelques encablures de gagner le championnat NBA. Cependant, leur équipe perd contre les Utah Jazz et leur joueur vedette Lewis Scott (Damon Wayans). En sus, la femme de Mike le quitte, fatiguée de sa passion dévorante et maladive.
Jimmy et Mike tombent par hasard sur Lewis Scott, dans un club. Ils entreprennent d'abord de le saouler puis, de fil en aiguille, le kidnappent...
On aurait pu espérer mieux d'une collaboration Dan Aykroyd/Damon Wayans mais le résultat est assez décevant. D'autant plus si on le compare à l'enfantin mais réussi Space Jam, ou à la prestation de Whoppi Goldberg dans Eddie. Le public a en tout cas largement boudé cette comédie sportive qui ne dépasse pas les 10 millions au box office.

Le personnage de basketteur incarné par Wayans est tout de même réussi : une star avec un égo surdimensionné et un caractère de cochon. Et l'on peut noter derrière l'humour plutôt raté voire même vieillot, une critique du sport business. Mais l'ensemble est tout de même décevant.

mercredi 18 septembre 2013

Blue Collar

Cette comédie sociale dépasse les canons du genre pour analyser la classe ouvrière américaine et ses divisions...

BLUE COLLAR - Paul Schrader (1978)

Detroit, capitale de l'automobile, berceau de la classe ouvrière américaine. Ezekial "Zeke" Brown (Richard Pryor), père de famille nombreuse, en a un peu marre du syndicat de l'usine qui se préoccupe fort peu des revendications de ses adhérents. Entre les vexations à l'usine et la vie familiale morose, Zeke et ses potes Jerry et Smokey (Harvey Keitel & Yaphet Kotto) font quelques soirées débridées pour s'échapper du quotidien... et c'est sous l'effet de l'alcool et de la drogue que les trois amis échafaudent un plan pour dévaliser le syndicat.
Mais dans le coffre ils ne découvrent que 600 $. Par contre ils mettent la main sur un livre de compte qui fait apparaître des prêts suspects. Et le trio d'amis se met en tête de faire chanter les dirigeants syndicaux...
Paul Schrader était un scénariste reconnu pour son travail sur Taxi Driver. Il passe pour la première fois derrière la caméra et dirige cet excellent et trop méconnu Blue Collar. Le budget est des plus confortable et avec ses 1,7 millions de Dollars, Schrader se paye un joli trio d'acteurs principaux : le  comique ultra-populaire Richard Pryor, le jeune premier Harvey Keitel (qui brille la même année dans l'intéressant Fingers) et le -déjà- vieux routard Yaphet Kotto.

Et ces trois-là vont jouer un trio de héros rares au cinéma : des ouvriers d'une usine automobile de Detroit.
La classe ouvrière est bien peu représentée dans le cinéma en général, et durant la vague soul en particulier ; Sidney Poitier invente des héros ouvriers pour ses comédies Uptown Saturday Night et Let's Do It Again et, dans un style totalement différent, Charles Burnett montre l'aliénation d'un ouvrier ordinaire dans Killer of Sheep. En commençant Blue Collar (et avec Pryor au casting, et doublement représenté sur l'affiche promotionnelle !), on imagine être plus prêt du comique des premiers que du réalisme dramatique du second. Erreur ! Paul Schrader nous plonge dès le générique dans les ateliers bruyant, à chaque poste de la chaîne de montage... et dans une réunion syndicale.
Ainsi pour qui aborde ce film comme une énième comédie de Pryor, on est vite décontenancé. Certes il apporte un peu d'humour dans un registre pince-sans-rire. Heureusement ! Car c'est bien un drame tragique que livre Paul Schrader, une chronique pessimiste où des ouvriers s'en retrouvent à s'opposer à leur syndicat corrompu plutôt qu'à leur patron. Et, tel une Cassandre moderne, Smokey -joué par Yaphet Kotto- répète : "Ils montent les vieux contre les jeunes, les Noirs contre les Blancs. Tout pour nous garder à notre place."

La distribution est bien faite et chacun des acteurs principaux fait vivre son personnage. Celà relève d'ailleurs d'un exploit puisque Richard Pryor, Harvey Keitel et Yaphet Kotto se seraient plus que cordialement détestés et ne pouvaient rester ensemble hors des moments de tournage. Les problèmes d'alcoolisme de Pryor n'arrangeant rien, il aurait même braqué Schrader avec une arme pour un caprice de star.
On peut croiser de petits seconds rôles déjà apperçu dans la blaxploitation : Gloria Delaney (Black Girl, The Human Tornado, A Piece of the Action, Deliver Us From Evil, Penitentiary, Crossroads) et Almeria Quinn (Top of the Heap et Friday Foster)...