vendredi 25 juin 2010

Boyz N the Hood

Au même titre que Mario VanPeebles et son remarquable New Jack City, John Singleton signe un premier film qui marque le renouveau du cinéma afro-américain fait par, pour et avec des Afro-Américains.

BOYZ N THE HOOD - John Singleton (1991)


Reva (Angela Bassett) est la mère du jeune Tre, qu'elle se sent incapable d'élever. Elle le confie à son père, Furious Style (Laurence Fishburne) pour « en faire un homme ». Furious va s'occuper de Tre, lui inculquer des valeurs, le faire participer aux tâches et le forger pour vivre dans South Central. Un jour, son ami Darin "Doughboy", 10 ans, est envoyé en maison de correction pour un vol.
7 ans plus tard, lorsqu'il sort, une fête est donné en son honneur. Tout le monde a bien changé dans le quartier : Tre et Ricky (Cuba Gooding Jr. & Morris Chestnut) se préparent pour l'université, ce dernier grace à une bourse qu'il essaie de décrocher.
Les ambûches ne manquent pas, et Tre, Darin (Ice Cube) et Ricky se trouvent au prise avec la violence des gangs, de la police raciste et du déterminisme social...
Boyz N the Hood est projeté lors du Festival de Cannes, en 1991 : il est ovationné, et quelques mois plus tard se voit consacrer avec deux nominations aux Oscars en tant que "Meilleur réalisateur" et "Meilleur scénario", inédites dans ces catégories pour un Afro-Américain. Il faut dire que BNtH est une réussite technique, accompagnée par une BO -parfois très sirupeuse- de Stanley Clarke. Singleton signe là un premier film qui fait date et marque une certaine renaissance du cinéma afro-américain. C'est sur le propos que je reste plus circonspect.

Furious et Tre sont la représentation de l’Afro-Américain de la classe moyenne, habitant des quartiers résidentiels gangrenés par le chômage, la violence la drogue et les brutalités policières… Ils sont marqués par le modèle de la réussite individuelle, essentiellement par les études, le travail, le maintien de soi et l'idéologie du nationalisme noir. La longue tirade que Furious inflige à Tre et Ricky en est le parfait exemple : « faut se battre pour conserver notre quartier tel qu’il est, il faut rester black, c'est pour ça il faut faire du fric black, il faut faire comme les Juifs, les Italiens, les Mexicains et les Coréens font. […] Pourquoi est-ce qu'il y a un marchand d'armes à tous les coins de rue dans les quartiers noirs ? Je vais vous dire pourquoi. Pour la même raison qu'il y a un magasin d'alcool à tous les coins de rue dans les quartiers noirs. Pourquoi ? Parce qu'ils veulent qu'on s'entretue. Le meilleur moyen de tuer un peuple c'est de lui enlever le moyen de se reproduire."
Anne Crémieux analyse très justement : « ce discours séparatiste accuse un pouvoir indéterminé, qui se résume en un pronom. « ils », désignant l'extérieur, le reste de la société qui a intérêt pour des raisons financières telles que la spéculation immobilière à contrôler et même à exterminer le peuple noir. Cependant, si la cause se mesure à l'échelle de toute la société et dépasse même les frontières du pays par voie aérienne et maritime, la solution se mesure à l'échelle de l'individu. Furious Styles a un discours politique global, mais il fait appel à une résistance individuelle par la réflexion personnelle. Il ne cherche pas à organiser la révolution, ni même la contestation. Il a la démarche d'un pasteur, non d'un révolutionnaire." C’est d’ailleurs ce rôle que lui attribut Ricky en le comparant à un prédicateur ou Darin qui le qualifie "du genre Malcolm X-Farrakhan".
Un film très moraliste dans l'ensemble, mais qui reflète en même temps une option possible pour la classe moyenne noire des années 90, désabusée par le militantisme et tournée vers la conquête de l'american dream. En même temps, tout en y souscrivant, Singleton montre que certains en sont exclus à travers le destin tragique de Darin...

Enfin, il faut signaler un casting particulièrement réussi, en particulier quant à la performance de Laurence Fishburne. Il révèle aussi Cuba Gooding Jr, Chris Tucker et le rappeur Ice Cube. Dommage pour les deux brèves apparitions d'Angela Bassett (Betty Shabbazz dans Malcolm X, puis Panther) qui méritait mieux, mais ces films ne brillent pas par la place accordée aux femmes. A noter aussi l'expertise de Bob Minor en tant que coordinateur des cascades et le casting dirigé par Jaki Brown.

1 commentaire:

Culture Street a dit…

Classique parmi les classiques.. Faudrait que je me le re-regarde un de ces quatre.