samedi 30 juillet 2011

Cotton Comes to Harlem

L'incontournable film qui annonce la blaxploitation est sans conteste Le casse de l'Oncle Tom, distribué United Artists et réalisé par Ossie Davis...

COTTON COMES TO HARLEM - Ossie Davis (1970)



Le révérend Deke O'Malley (Calvin Lockhart) arrive à Harlem pour prêcher et inviter ses fidèles à verser une souscription pour préparer le retour en Afrique. Mais la recette de sa quête -la bagatelle de 87000 $- se fait dérober par des hommes armés et cagoulés ; ils s'enfuient, dissimulent l'argent dans une balle de coton, mais la perdent lors d'une poursuite...
Présents lors du braquage, Coffin "Ed" Johnson et "Gravedigger" Jones (Raymond St Jacques & Godfrey Cambridge) sont chargés d'enquêter sur cet étrange hold-up. Persuadés que O'Maley est l'escroc, ils tentent de le retrouver et commencent par interroger Iris Brown (Judy Pace), la maîtresse du prêcheur.
Mais un vieux clochard, Uncle Ben (Redd Foxx), récupère la balle par hasard. La police, O'Maley, un groupe de militants, une étrange organisation blanche... tout le monde semble rechercher cette balle de coton.
Ossie Davis et Arnold Perl adaptent donc pour le grand écran un des romans de Chester Himes, Retour en Afrique. On ne retrouve pas totalement la complexité de l'histoire originale, mais le pari est largement réussi. A l'image du final dans le mythique Appollo Theatre ou de l'époustouflante course-poursuite (dans l'extrait ci-dessous) qui retranscrit avec virtuosité l'ambiance si particulière de l’œuvre de Chester Himes : ses décors, ses personnages annexes savoureux, ses morceaux de l'âme de Harlem et son ancrage dans son époque retranscrivant les problématiques de la communauté noire.

Second film produit par un grand studio hollywoodien dont la réalisation est confiée à un Afro-Américain. En plus, le symbole est fort d'adapter un roman d'un des romanciers les plus représentatifs de la communauté... Et le film pose les jalons -tout en utilisant les bases des romans de Himes- des black action movies à venir : intrigues au sein de la communauté noire, réalisme, décors urbains, bandits, militants, prêcheurs sans scrupule, flics, Blancs racistes... et un dénouement qui s'arrange avec les lois.

Les trois têtes d'affiche -Godfrey Cambridge, Raymond St. Jacques et Calvin Lockhart- étaient déjà des acteurs confirmés : le premier venait de triompher dans Watermelon Man, le second brillait par sa présence dans Up Tight ! et le troisième relevait le niveau du plat et réac Halls of Anger (il incarnait aussi une déclinaison de Mobutu dans Dark of the Sun). Ils vont dans les années suivantes faire office de "guest stars" lorsqu'ils prêteront leurs noms au générique d'un film.
A l'inverse, nombreuses et nombreux sont les débutants qui prennent là sans le savoir un ticket d'abonnement pour les films de la décennie qui s'ouvre : Judy Pace (The Slams, Shaft - Hit and Run), Redd Foxx (de la célèbre série Sandford and Son), Tony Brubaker pour son premier rôle et qui alternera dès lors cascades et apparitions, Helen Martin, Emily Yancy, Lee Steele, Teddy Wilson (mari à la ville de Joan Pringle, la belle Christella de JD's Revenge), Anthony Chisholm, Jonelle Allen, Mabel Robinson, Vernee Watson-Johnson, Cleavon Little, Lawrence Cook, Gertrude Jeannette, Van Kirksey, Gilbert Lewis, Jimmy Hayeson... La liste des seconds rôles et figurants est sans fin. Presque tous participent à d'autres productions soul. Preuve supplémentaire, s'il en était besoin, que ce film est bien fondateur d'un courant que certains spécialistes ou politiques vont appeler "blaxploitation".
Pour l'équipe technique, étonnamment, on ne trouve pas de futurs fidèles des films soul, si ce n'est peut-être la costumière Anna Hill Johnstone (qui l'année d'après sera créditée sur le film à gros budget The Godfather, puis dans d'autres films plus intimistes tels que Come Back, Charleston Blue, Gordon's War et The Wiz).

jeudi 28 juillet 2011

The Liberation of L.B. Jones

Distribué par Columbia Pictures, On n'achète pas le silence est le dernier film du vétéran d'Hollywood William Wyler.

THE LIBERATION OF L.B. JONES
William Wyler (1970)
L.B. Jones Roscoe Lee Browne) est un riche entrepreneur de pompes funèbres. Sa femme, la belle Emma (Lola Falana), est enceinte. Mais L.B. Jones souhaite divorcer : il est persuadé qu'Emma entretient une relation avec un flic blanc, Willie Joe Worth (Anthony Zerbe), qu'il soupçonne même d'être le véritable père de l'enfant que porte Emma. Elle refuse, espérant tire une confortable pension de son mari.
Worth n'est pas content de cette procédure de divorce qui met la lumière sur sa vie privée tumultueuse (et ses relations avec un Noire) : il va donc rompre et menacer Emma pour qu'elle accepte le divorce sans rechigner. En vain. Avec son collègue policier Stanley Bumpas, Worth tourne alors ses menaces vers L.B. Jones pour qu'il abandonne la procédure...
Dans le même temps, Sonny Bob Mosby (Yaphet Kotto) revient dans sa ville natale avec la ferme intention de se venger d'un exploitant agricole, coupable du meurtre d'un de ses amis d'enfance... et qui n'est autre que Bumpas !
William Wyler a signé des classiques comme Les hauts de Hurlevent et Ben-Hur. Et, c'est probablement son point faible, sa réalisation est légèrement datée (surtout si l'on pense aux autres productions comme The Cool World ou Putney Swope qui annoncent la vague blaxploitation). Quant à sa connaissance des Afro-Américains, elle est pour le moins sommaire et, même avec une visée humaniste, légèrement teintée de stéréotypes (là encore, en comparaison de Up Tight ! ou Nothing But a Man). L'histoire est issu du roman éponyme de Jesse Hill Ford, qui participe à l'adpatation ciné avec Stirling Silliphant (à qui l'on doit les scénari de In the Heat of the Night et Shaft in Africa). On retrouve d'ailleurs quelques aspects de In the Heat of the Night, en moins musclé tout de même...
A la différence des films précités, les personnages principaux ne sont pas les "gentils" Noirs, mais bien les "méchants" Blancs. On ne voit pas -malgré la vengeance qu'ourdit le personnage de Yaphet Kotto- de Noirs qui luttent activement contre la ségrégation et les brimades racistes (les acteurs ne sont pas crédités en premier, pas même le "L.B. Jones" du titre). Ce qui intéresse Wyler, c'est la mécanique de la solidarité entre Blancs, quelques soient leurs postes et responsabilités, pour perpétuer cette ségrégation (d'où la succession d'acteurs connus : Lee J. Cobb, Anthony Zerbe, Barbara Hershey et Lee Majors -qui deviendra L'Homme qui valait 3 Milliards, puis L'Homme qui tombe à pic). Ce point de vue est respectable, mais je le trouve moins intéressant et finalement plus classique. Enfin, la représentation des jeunes femmes noires en "beauté venimeuse" renvoie malheureusement aux vieux stéréotypes anciens de la "tragic mullato".

Il faut porter au crédit de William Wyler d'utiliser les talents d'acteurs afro-américains, et le film contribuera à leur notoriété en particulier pour Lola Falana et Yaphet Kotto ; Roscoe Lee Browne avait déjà une carrière plus construite derrière lui, il tient son rôle à perfection, avec une certaine austérité et une dignité palpable.
Il y a aussi le dinosaure Fayard Nicholas des Nicholas Brothers à qui l'on doit la scène mythique de claquettes dans Stormy Weather, la vieille Zara Cully (Brother John, Sugar Hill et Darktown Strutters), Brenda Sykes (Black Gunn, Cleopatra Jones, Mandigo et Drum)
Lauren Jones directrice de casting sur Cooley High, elle joue de petits rôles dans Car Wash et 15 ans plus tard dans Juice.

lundi 25 juillet 2011

Halls of Anger

Prenant le contre-pied des films progressistes qui commencent à sortir sur la communauté afro-américaine, Colère noire préfère se concentrer sur les dangers de la déségrégation...


HALLS OF ANGER - Paul Bogart (1970)



Des élèves blancs sont transférés dans un lycée où la majorité des élèves sont des Afro-Américains. Malgré la médiation du professeur Quincy Davis (Calvin Lockhart), les troubles ne manquent pas d'alimenter le quotidien du lycée. Les jeunes afro-américains n'hésitent pas à harceler leurs petits camarades blancs...

Réactionnaire ! Voilà le terme le plus approprié pour qualifier d'un mot ce film. Bien sûr que le racisme est une chose assez partagée par toutes les communautés, mais présenter dans les années 70 de jeunes afro-américains qui harcèlent des Blancs dans un lycée ne peut même pas être mis sur le compte de l'ignorance relève de la contre-vérité la plus dégueulasse. Le bon vieux coups du racisme anti-blanc qui justifie à posteriori la ségrégation en quelque sorte. D'abord "bon enfant" le harcèlement dont sont victimes les Blancs devient insoutenable, tellement qu'il est improbable : on commence avec un scène à la cantine -pathétique et risible- où le danger qui guette l'Amérique éternelle est représenté par des jeunes noirs qui font du tam-tam et agitent des couverts autour de jeunes blancs apeurés ; mais tout cela se conclue par l'agression d'une petite blondinette innocente par ses ennemies noires qui lui arrachent ses vêtements et la battent. Cette scène devient le point d'orgue d'un mauvais film bis qui utilise les ficelles les plus éculées des préjugés racistes, et en dernier lieu celui de la violence sexuelle.

La réalisation est des plus ordinaire. Bogart se limite à quelques travelling sur la classe et des matchs de basket bien mal filmés. Rien ne relève donc le niveau de ce Halls of Anger, si ce n'est la présence de Calvin Lockhart -déjà un acteur reconnu (aperçu par exemple dans Dark of the Sun)- qui entre bien entendu parfaitement dans son rôle d'enseignant. Ce sont les premiers pas d'un acteur blanc débutant : Jeff Bridges.

En vrac, on trouve ensuite Janet MacLachlan (Up Tight !, tick... tick... tick... et Sounder, mais surtout une floppée d'apparitions télévisées, dont The Sophisticated Gents et The Tuskegee Airmen), James A. Watson Jr. un grand acteur dramatique -aujourd'hui professeur- malheureusement cantonné à des rôles subalternes à la télé (quant au grand écran, il participe dans les années 70s à The Organization et Lady Cocoa, ainsi qu'aux avantures télévisées de Shaft : Cop Killer), Christopher Joy qui tournera peu (mais parmis les plus gros succès de la période : Hitman, Cleopatra Jones, Sheba Baby et Darktown Strutters), Dewayne Jessie (connu aussi sous le nom d'Otis Day) qui débute sa carrière, Mwako Cumbuka (Coffy, Hit!, Together Brothers et pour un de ses plus grands rôles Vol au-dessus d'un nid de coucou), Cal Wilson (The Great White Hope, The Final Comedown, Five on the Black Hand Side et Disco 9000), Paris Earl (Speeding Up Time, Skin Game, Blacula et Blackjack), Alex Clarke (un des héros de The Learning Tree) et Davis Roberts (Detroit 9000, Willie Dynamite, To Sleep with Anger).
Henry Kingi et Peaches Jones, tour à tour acteurs et cascadeurs, participent à leur premier film, lui comme acteur et elle comme cascadeuse (contrairement à Kingi qui officie pendant trente ans, Peaches Jones a une courte carrière bien chargée : Buck and the Preacher, Melinda, Coffy, Foxy Brown, Black Samson, The Human Tornado). Quant à Eddie Smith, le fondateur de la Black Stuntmen's Association, il supervise les cascades.

dimanche 24 juillet 2011

Slaves

Distribué en France sous les noms de La Maitresse Noire ou d'Escalves, le réalisateur black-listé Herbert J. Biberman réunit à l'écran la chanteuse Dionne Warwick, le débutant Ossie Davis et l'acteur hollywoodien Stephen Boyd.

SLAVES - Herbert J. Biberman (1969)

Luke (Ossie Davis) est un jeune esclave, dans une plantation du Kentucky, au milieu du XIXème siècle ; il a le respect et la confiance de son maître qui lui a promis de l'affranchir. Mais le maître a des soucis financiers et sa parole vaut plus grand chose : il met en vente Luke et Jericho (Robert Kya-Hill).
C'est Nathan MacKay (Stephen Boyd) qui se porte acquéreur, un exploitant aux pratiques libertines et perverses. Parmi celles-ci son appétance pour les jeunes esclaves et sa passion pour Cassy (Dionne Warwick)...
Herbert J. Biberman est surtout connu pour son brûlot Salt of the Earth, un film révolutionnaire qui lui vaudra, en plus de son appartenance au Parti Communiste, de subir la censure et les foudres du maccarthysme. Slaves est auto-produit et sort pour le moins discrètement, mais il bénéficie tout de même d'une présentation au festival de Cannes. Autant d'arguments qui peuvent donner envie de se jeter sur ce film rare. J'ai personnellement été déçu.
Certes, la violence de l'esclavage est représentée crument, les relations entre le maître et ses esclaves femmes poussé à son paroxysme... En plus, n'oubliant pas que donner les premiers rôles à des Noirs -même d'un film sur l'esclavage- est encore une rareté, voire une provocation.
Cependant, le film peine à décoller. Tout semble cheap ; c'est bien sûr la conséquence du maigre budget, mais celà ressort aussi d'une volonté de Biberman de montrer sans fard les méfaits de l'esclavage. Et le résultat me paraît plus handicapant que didactique. En outre la relation perverse entre les personnages de Dionne Warwick et Stephen Boyd est dérangeante, celle-ci semblant "jouer" des perversités de son maître.

Ce qui nous amène aux acteurs... Dionne Warwick était déjà une chanteuse connue lorsqu'elle accepte de tenir le premier rôle féminin de ce film ; il faut bien avouer qu'elle ne brille pas par son jeu. Ce sera d'ailleurs son seul long métrage (elle joue dans diverses séries ou y apparaît en tant que guest star). Je trouve ça étonnant que celle-ci ait accepté un tel rôle pour un si sulfureux cinéaste. On peut se poser la même question pour Stephen Boyd acteur confirmé de péplums incontournables (dont le plus connu est bien sur Ben-Hur), qui apparaît l'année suivante dans le téléfilm Carter's Army. Plus compréhensible est la présence Ossie Davis ; on connaît plus sa fibre militante, et il ne met pas autant sa carrière en jeu. Par ailleurs, c'est en plus la première fois qu'il se retrouve seul en haut de l'affiche.
Le méchant contremaître est campé par Julius Harris ; il avait joué à la perfection le père alcoolique dans Nothing But a Man, il participe ensuite aux grands classiques de la blaxploitation : Shaft's Big Score !, Super Fly, Trouble Man, Black Caesar et sa séquelle Hell Up in Harlem, le meilleur volet de la trilogie comique de Sidney Poitier Let's Do It Again, et enfin le James Bond soul : Live and Let Die. Outre Robert Kya-Hill (Shaft's Big Score, Roots : Next Generation), le reste du casting est plutôt composé d'anonymes. Vous pouvez trouver ce film en qualité VHS et avec un bande-son française sur La Caverne des Introuvables.

jeudi 21 juillet 2011

Up Tight !

Distribué par la Paramount, Point noir est le premier film sorti d'un grand studio à s'intéresser de prêt à l'effervescence politique dans la communauté afro-américaine... Cela donne un film magistral au casting pléthorique et réalisé par Jules Dassin, victime des purges anti-communistes des années 50...

UP TIGHT ! - Jules Dassin (1968)

Cleveland, 1968, quatre jours après l’assassinat de Martin Luther King. Johnny Wells (Max Julien) est à la tête d'un petit groupe d'activistes "black Power", il dévalise un entrepôt de munitions et met la main sur un important stock d'armes. Tank (Julian Mayfield) -un ouvrier au chômage porté sur l'alcool- aurait du faire partie du coup, mais lorsque ses camarades viennent le chercher, il est trop saoul ; il est exclue de l'organisation. En plus, il a des problèmes avec sa petite amie, Laurie (Ruby Dee).
Bien sûr, la police recherche les coupables du vol (qui se termine en fusillade avec un gardien) et met à prix la tête de Johnny. Tank cède aux sirènes de Clarence (Roscoe Lee Browne), un indic, et dénonce son ami et ex-camarade contre un forte récompense.
Le groupe militant dirigé par B.G. (Raymond St. Jacques) va alors tout faire pour mettre la main sur le traître...

Jules Dassin signe là un excellent film. L'idée la plus lumineuse -d'autant plus qu'elle est menée à bien- consiste en l'adaptation du classique de John Ford : The Informer. Le script original de 1935 situait l'intrigue en Irlande et suivait un traître à l'IRA ; c'est avec beaucoup de finesse que Dassin adapte le scénario -avec l'aide de Julian Mayfield (qui joue Tank) et Ruby Dee- dans le Cleveland de 1968, où la communauté noire vient de perdre un de ses principal leader, et que le combat politique non-violent vient symboliquement mourir avec lui, nombre de militants choisissant la voie de l'auto-défense et du "Black Power".

Formellement, rien de très révolutionnaire dans la réalisation de Jule Dassin. Sur les titres de Booker T. & the M.G.s -mieux connus que le film lui-même- , Dassin nous fait voyager à travers la ville de Cleveland (rarement utilisée comme décor), encore secouée par les émeutes consécutives à l'assassinat de Luther King :les rues sombres, les terrains vagues, les chantiers de constructions fleurissant, les ponts métalliques géants... Il sait cependant la tension de chaque scène, l'effervescence consécutive au meurtre du révérend King, les contradictions intérieures de Tank. Le résultat donne un polar urbain politique comme finalement la blaxploitation en offre bien peu. Enfin, on ne sait pas vraiment avec lequel de ses nombreux personnages Dassin est le plus proche, ni s'il soutient les revendications du "black power" ; il montre juste une empathie véritable et un respect pour chacun et pour le combat pour les droits civiques.

Ce qui fait aussi son caractère magistral, c'est l'impressionnant casting mêlant des comédiens confirmés tel l'imposant Raymond St. Jacques, la splendide et combative Ruby Dee et Roscoe Lee Browne ; des acteurs plutôt habitués à des seconds rôles comme Janet MacLachlan, Max Julien et Juanita Moore (elle débute tôt avec Cabin in the Sky, et on la retrouve aux cotés de Max Julien dans The Mack et Thomasine & Bushrod) ; d'autres enfin qui font leurs classes et retourneront plus ou moins dans les productions soul qui vont se multiplier : Dick Anthony Williams -qui pour une fois ne joue un pimp exhubérant-, Robert DoQui, Ji-Tu Cumbuka (Top of the Heap, Blacula, Mandingo, Dr. Black, Mr. Hyde, Racines, Ebony, Ivory and Jade, Moving, Harlem Nights), Ketty Lester (Blacula, Uptown Saturday Night, House Party 3), Van Kirksey (Cotton Comes to Harlem et Scream Blacula Scream), Anthony Chisholm, John Wesley, Leon Bibb... La romancière Alice Childress (à qui l'on doit entre autre A Hero Ain't Nothin' But a Sandwich) fait une brève apparition.

mardi 19 juillet 2011

Putney Swope

Incroyable comédie, Putney Swope s'avère une satyre à l'humour grinçant contre la société de consommation et les mœurs américaines...

PUTNEY SWOPE - Robert Downey Sr. (1969)


Le président du Conseil d'Administration d'une agence publicitaire décède en pleine séance. Les autres membres votent donc au pied levé avec l'interdiction de voter pour eux-même. Leurs suffrages se portent sur celui pour qui personne n'est censé voter : Putney Swope (Arnold Johnson), le seul Noir de l'assistance.
Sa première décision consiste à renommé l'agence qui devient "Truth and Soul, Inc." et s'entourer d'une équipe afro-américaine. Il décide de faire désormais des spots publicitaires qui disent la vérité. Les autorités vont voir d'un mauvais œil cette agence incontrôlable...
Très peu et mal distribué aux Etats-Unis, Putney Swope est présenté à la quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes, toujours friand de ce genre de comédie burlesque et cynique. Car Downey Sr. propose bien une farce politique totalement incroyable qui manie tout les cauchemars de l'Amérique de l'époque : une dénonciation de la publicité, des Afro-Américains riches, influents et autonomes, un refus de la guerre et des drogues "légales"... Il pousse la provocation jusqu'à représenter son héros habillé comme l'ennemi ultime des USA : Fidel Castro !

Outre le fond impertinent et drôle, le film est formellement intéressant. Première idée iconoclaste : la longue scène d'ouverture, suivie du générique où un administrateur égraine les votes pour "Swope" alors que défilent sobrement les noms des acteurs et l'équipe technique (parmis laquelle, Arthur Marks -le talentueux réalisateur de Detroit 9000, JD's Revenge, et The Monkey Hustle, Bucktown et Friday Foster- y officie aux lumières). La réalisation est percutante. Downey Sr. use tour à tour d'un style faussement documentaire avec caméra-épaule, de plans montés rapidement, de la couleur pour les spots pub d'un autre genre (si ce n'est d'une autre dimension).

Revenons et concluons sur le fond. Putney Swope n'est pas un film lourd et manichéen ; il s'agit bien d'une comédie. Downey Sr. dénonce et fait rire par l'absurde, à l'image de la publicité avec "Miss redneck New Jersey", ou de la domestique blonde -harcelée par la femme de Swope- qui témoigne à la télé que servir le couple un bonheur...
L'acteur principal, Arnold Johnson, participe à Shaft, A Hero Ain't Nothin' But a Sandwich puis dans les 90s il apparaît dans The Five Heartbeats ou encore Menace II Society. Putney Swope est son seul premier rôle ; il ne brille pas par son jeu et aurait eu du mal à retenir ses répliques, si bien que c'est Downey Sr. lui-même qui double les dialogues ; procédé qui rajoute un peu plus un coté décalé.

Si les autres acteurs sont peu connus, tels Anthony Chisholm (Uptight ! et Cotton Comes to Harlem), Leopoldo Mandeville (Black Sister's Revenge), la mention spéciale va à Antonio Fargas qui interprète un surréaliste arabe, monté sur ressort -Fargas gagne là incontestablement ses galons et apparaîtra dans les plus grands hits de la blaxploitation. On croise aussi le chanteur Al Green, ainsi que Marlene Clark qui n'est pas créditée au générique. Du coté des acteurs blancs, il y a Allan Arbus (méchant génial dans Coffy) et Allen Garfield -qui joue dans d'autres films "black" (The Organization, Cotton Club et Beverly Hills Cop II).

vendredi 15 juillet 2011

The Learning Tree

On connaît Gordon Parks pour son désormais mythique Shaft. Il signe son second film pour un grand studio hollywoodien (dont le titre français, Les sentiers de la violence, est totalement raté) deux ans avant, et on est loin des rues de New-York et du détective funky...

THE LEARNING TREE - Gordon Parks (1969)


Newt et Marcus (Kyle Johnson & Alex Clarke) sont deux jeunes garçons qui vivent dans un village rural du Kansas, dans les années 20. Ils font ensemble l'expérience de la ségrégation raciale et des injustices. Ils découvrent aussi l'amour, la haine, la morale et la conscience... Et les deux garçons prennent des chemins différents. Newt se retrouve confronter à un cas de conscience majeur : un homme est accusé à tord d'un meurtre, mais Newt connaît le vrai coupable...
Gordon Parks porte la triple casquette de réalisateur, compositeur et scénariste. Pour le cinéma , il adapte le roman en partie autobiographique qu'il avait publié en 1964. C'est un petit bijoux cinématographique trop méconnu, sorti deux ans avant le funky et mythique Shaft, Gordon Parks livre ce drame puissant, tendre et poignant (compréhensible, puisqu'il s'agit d'un récit inspiré de sa jeunesse).
Parks décrit le Kansas des années 20 où l'on fouette les voleurs de pommes (surtout si le voleur est un enfant noir et que celui qui tient le fouet est blanc) ; dans cette contrée remplie de rednecks finis au pipi, l'église, la famille et le juke-joint semblent les seuls asiles pour un Afro-Américain. Martin Ritt -avec Sounder- lui emboîte le pas, mais la blaxploitation laisse de coté ce genre (pour lequel il faut un talent certain pour éviter l'ennui, c'est sûr). Il se prend à filmer la nature (des champs de fleurs colorées, la rivière qui dégèle, les couchers ou les levers de soleil magnifiques...).

Sur le fond, Gordon Parks ne dénonce pas de front le racisme de son pays ; la morale tend plus à montrer qu'il y a des "bons" et des "méchants" dans chaque communauté. Malgré cette approche, le constat de la ségrégation n'en est finalement que plus fort (surtout rapporté à ce qui se fait à l'époque dans les films d'Hollywood, c'est à dire rien !). Si l'on met de coté l'intrigue principale (qui rapproche le film d'un drame classique), ce sont les multiples scènes de la vie quotidienne qui portent toute la violence sourde que subit un jeune Noir dans les années 20 et 30 : les humiliations ordinaires liées à la "séparation" dans les lieux publics, dans l'enseignement, les les brimades et les "niggers" incessants...

Kyle Johnson et Alex Clarke ne rejoueront que très rarement (Brother on the Run pour l'un, et Halls of Anger pour l'autre). Certains acteurs débutent une carrière : Thomas Anderson (The Legend of Nigger Charley, Shaft's Big Score, Trick Baby, Don't Play Us Cheap), Phillip Roye (The Black Godfather et Mean Johnny Barrows), Mira Waters (The Greatest) et Estelle Evans (que l'on peut apercevoir dans quelques séries de l'époque ainsi que la dernière comédie de la trilogie de Sidney Poitier : A Piece of the Action).... D'autres ont fait leurs débuts dans des films plus anciens, tels Joel Fluellen (Cabin in the Sky, A Raisin in the Sun, The Great White Hope, Thomasine & Bushrod et The Bingo Long Traveling...) et Richard Ward (The Cool World, Black Like Me, Nothing But a Man, Brother John, Across 110th Street, Mandingo).