jeudi 20 septembre 2012

Killer of Sheep

Sorti à la fin de la vague blaxploitation, Killer of Sheep relève plutôt du nouveau cinéma réaliste afro-américain dont Spike Lee sera, 10 ans plus tard, le principal artisan...

KILLER OF SHEEP - Charles Burnett (1977)


Ghetto de Watts, Los Angeles. Stan (Henry G. Sanders) est un employé dans un abattoir pour ovins.
Sa vie est morose entre sa femme qui le laisse indifférent (Kaycee Moore), ses enfants (Angela Burnett & Jack Drummond) et ses amis (Tobar Mayo, Eugene Cherry, Charles Bracy...) qui essaient de l'entraîner dans toutes sortes de combines qui le sortent de son quotidien ennuyant et lui promettent d'arrondir son salaire...
Difficile de faire le résumé de l'histoire, car le film se compose de vignettes décrivant la vie quotidienne de plusieurs Afro-Amréricains dans le ghetto de Watts, "célèbre" pour ses émeutes.
Souvent comparé au néo-réalisme italien, Burnett pose un regard quasi documentaire sur un homme noir-américain ordinaire, ouvrier et père famille, qui vit sa vie en fantôme, un peu comme une mise en image du concept marxiste d' "aliénation", cette déshumanisation conséquence du travail à la chaîne. Mais ici pas de révolte, juste un sourd constat sans angélisme et sans grand espoir...
Un film sublime donc. Et pourtant, lorsqu'il réalise Killer of Sheep Charles Burnett n'est encore qu'étudiant à l'UCLA !
Avec seulement 10 000 $, il consacre ses week-ends à ce projet. Il est à tout les postes : réalisateur, producteur, scénariste, chef opérateur et monteur.

Burnett arrive en fin de course de la blaxploitation et son film sort par trop des canons du genre pour intéresser les distributeurs. On retrouve l'interrogation sur la vie moderne urbaine que dans Top of the Heap, en moins allumé et techniquement mieux maîtrisé ; et le personnage principal est tellement ancré dans la réalité que rêver n'est pas une option pour lui.

Autre spécificité logique découlant du mode de production, le casting est composé d'amateurs. Plus d'une cinquantaine ! Que Burnett s'applique à citer au générique. Quelues rares noms sont connus comme Henry G. Sanders, qui a joué déjà dans The Black Godfather, Baby Needs a New Pair of Shoes, puis des dizaines de seconds rôles dont le "gentil Noir" dans Docteur Quinn, femme médecin et dernièrement Rocky Balboa ou Blue... ou encore Tobar Mayo (Abar, the First Black Superman, Tough et Baby Needs... et Big Time) et Kaycee Moore (que l'on revoit dans Daughters of the Dust de Julie Dash).
Pour le reste, Burnett s'appuie sur ses proches (dont nombreux retravaillent avec lui sur My Brother's Wedding, To Sleep with Anger, The Glass Shield et Namibia: The Struggle for Liberation), en particulier sa fille Angela, Charles Bracy et Eugene et Dian Cherry...

En 1981, il décroche  le Prix de la Critique au festival de Berlin. Dix ans plus tard, il a été proclamé "national treasure" par la Bibliothèque du Congrès et placé dans les cinquante premiers films du National Film Registry. Quant à l'influente Société Nationale des Critiques de Films, elle l'a pour sa part classé parmi les cent films les plus importants de tous les temps. Cette reconnaissance du travail de Charles Burnett est d'autant plus étonnante qu'elle vient du milieu du cinéma lui-même. Longtemps insorti pour causes de droits musicaux, plusieurs réalisateurs, dont Steven Soderbergh, rachètent ces droits pour cent cinquante milles dollars et permettent ainsi la restauration et la sortie du film en 2008.

1 commentaire:

Marie Sollogoub a dit…

film magnifiquement sobre et inventif