mardi 21 décembre 2010

She's Gotta Have It

Depuis 10 ans, peu de nouveautés dans les comédies estampillées "blacks"... Mais voilà qu'un petit réalisateur de Brooklyn vient dynamiter le genre ! Un film -que l'on trouve en France sous le titre Nola Darling n'en fait qu'à sa tête- plein de trouvailles esthétiques et un scénario étonnant et décalé.

SHE'S GOTTA HAVE IT - Spike Lee (1986)


Nola Darling (Tracy Camilla Johns) est une jeune artiste, une femme indépendante qui vit sa vie comme elle l'entend. Elle a ses trois amants masculins : le poète romantique Jamie Overstreet, le B-boy militant Mars Blackmon et le parvenu misogyne Greer Childs (Tommy Redmond Hicks, Spike Lee & John Canada Terrell) et une amante (Raye Dowell).
Alors, bien sûr, Nola est accusée d'être une "freak", une obsédée sexuelle.

Un film superbe, présenté sous forme de faux reportage et tourné en noir et blanc (un peu à la manière de Charles Burnett dans Killer of Sheep). On y explore l'univers de Nola, alternant interviews et flash-back. On vit ses histoires avec chacun de ses amants, sa copine lesbienne, sa bio racontée par ses proches...
She’s Gotta Have It est le premier film de Spike Lee. Il le produit lui-même, avec sa maison de production 40 Acres and a mule (en référence à la promesse faite aux esclaves par les Yankees de recevoir une terre et une mule, promesse non-tenue bien évidemment). A la fin du générique, Spike Lee pose, poing ganté et fermé en l'air. Les bases sont jetées...
Au niveau des chiffres et récompenses, le film -indépendant donc- rapporte 11 millions de dollars, pour un budget initial de 175 000 dollars. Pour ce film, Lee reçoit le Prix de la Jeunesse à Cannes en 1986.

Nola Darling c'est l’anti-stéréotype. Nola Darling brouille en effet les codes auxquels nous ont habitués les films blax' par exemple. Elle cultive une multitude de goûts, comme le prouve son attirance égale pour Greer, Mars et Jamie. Et Spike Lee montre la sexualité noire d’une façon totalement inédite, a fortiori pour une femme noire. A croire que tous ceux qui ont pu critiquer le maître Lee sur sa supposée misogynie n'ont jamais vu ce film. Dommage par ailleurs que ce personnage de femmes "indépendantes" ait été complètement délaissé par le nouveau cinéma afro-américain...

Toute la famille Lee est là : sa sœur Joie joue l'ancienne colloc' de Nola, tandis que son père Jim Lee compose la Bande-Originale du film et incarne le père de Nola... Ainsi que ceux qui vont devenir ses complices de longues années : le producteur Monty Ross, le chef op' Ernest R. Dickerson, le responsable des décors Wynn Thomas, l'homme à tout faire Marcus Turner...
Et outre les acteurs principaux, on déniche les copains de la première heure comme Reginald Hudlin (qui deviendra réalisateur de succès comme House Party, Boomerang et The Great White Hype), Eric Payne, le rappeur Fab 5 Freddy, Erik Dellums...
A signaler, Mars Blackmon (interprété par Spike Lee himself) est un B-boy génialissime, "black and proud" et qui se vante d’être à l’origine de la candidature de Jesse Jackson à la présidentielle américaine : « Vous avez vu, il s’est présenté à cause de moi, Mars Blackmon. Je lui ai donné l’idée. "Présente-toi, Jesse !" ». Le personnage sera réutilisé par Nike qui tourne quelques spots pour ses célèbres baskets.

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