Je vous propose pour les prochaines chroniques un retour sur un film emblématique de la blaxploitation : Superfly
!
SUPERFLY - Gordon Parks Jr. (1972)
Priest (Ron O'Neal) est un dealer important de Harlem. Mais il en marre de cette vie et décide de raccrocher. Il compte finir
sur un dernier coup avec son pote Eddie (Carl Lee). Un million à se partager après avoir revendu 30 kg de cocaïne pure et après la belle vie !
Pour la matière première, il peut compter sur Scatter (Julius Harris), son ancien mentor rangé des affaires.
Mais les choses tournent mal après l'arrestation d'un de ses petits vendeurs, Fat Freddie (Charles McGregor), qui donne des infos à la police...
Premier film pour Gordon Parks Jr. (il n'en réalise que quatre -
Thomasine & Bushrod,
Three the Hard Way et
Aaron Loves Angela), et le succès est
direct. Produit pour seulement 300 000 $, il en rapporterait près de 30 millions,
Superfly marque les esprits de son temps et imprègne la culture populaire afro-américaine ; à l'image de la Cadillac Eldorado customisée qui lance la mode appelée "pimpmobile" (déclinée dans les années 2000 dans le realityshow
Pimp my Ride).
Si l'on doit retenir un seul parallèle avec le
Shaft de son père, c'est dans la scène d'ouverture ; on retrouve un sens particulier pour planter le décor. Deux petites frappes déambulent dans Harlem, accompagné de la chanson
Little Child Runnin' Wild de Curtis
Mayfield. La musique et les deux personnages annexes provoquent une plongée magique dans le Harlem des années 70s.
Il faut dire que sa musique et les différents titres (celui évoqué précédemment ou encore
Freddie's Dead,
Pusherman ou
Superfly) sont intimement lié à la réussite du film. La musique et la voix envoûtantes de Mayfield sont un acteur à part entière de cette production devenue culte et sont, comme la mode du pimpin', repris amplement par les rapeurs des 90s (dont par exemple l'hommage à la blax' de Snoop Dogg :
Doggy Dogg World).
C'est le premier rôle d'ampleur pour Ron O'Neal (qui en avait tenu un petit
dans
The Organization). Totalement identifié à son personnage, il ne parviendra pas vraiment à rebondir au fil du temps, contrairement aux Jim Brown, Pam Grier et autre Fred Williamson.
Le reste de la distribution est composée d'actrices et acteurs de la période : Carl Lee (pour la petite histoire, il joue dans
The Cool World le rôle d'un caïd appelé... Priest !), Sheila Frazier qui rejouera pour les Parks père et fils (
The Super Cops et
Three the Hard Way) et retrouve Ron O'Neal dans
Superfly T.N.T. et
The Hitter, ou bien encore Julius Harris, Charles McGregor et K.C., véritable pimp qui fournit la Cadillac du héros, assure la sécurité du tournage moyennant une place au générique et un petit salaire (idem dans
Across 110th Street et
That's the Way of the World).
Le producteur Sig Shore avait débuté dans le cinéma en distribuant des films étrangers comme
Les 400 coups et
Hiroshima Mon Amour ou encore
Black Jesus (un film italien pré-blaxploitation, basé sur la vie de Partice Lumumba) ;
il trouve ici une franchise qu'il exploite jusqu'au bout en produisant la séquelle
Superfly T.N.T., puis récidive en 1990 avec
The Return of Superfly qu'il réalise. Le scénariste Phillip Fenty écrit les deux premiers opus (puis écrit et réalise
The Baron avec Calvin Lockhart).
Comme pour
Black Caesar ou
The Mack, le film tombe presqu'à son corps défendant, dans le piège de la glorification du deal et la banalisation de la drogue au mieux, dans la persistance d'un cliché présentant les Afro-Américains comme des délinquants au pire. Bien sûr, on ne peut faire le procès à Gordon Parks d'avoir sciemment voulu l'un ou l'autre ; la volonté du héros
de vouloir arrêter, tout comme le dénouement tendent à prouver le contraire mais Priest fonctionne pour la jeunesse noire des 70s comme Scarface aujourd'hui, une sorte de modèle du gars d'en bas qui s'en sort par tous les moyens.
Le film sera d'ailleurs sur la liste noire de la Coalition Against Blaxploitation menée par le révérend Jesse Jackson (qui rassemble entre autres la puissante NAACP et le SCLC créés par Luther King).