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jeudi 29 octobre 2009

Jungle Fever

Grand succès commercial (le budget de production de 14 millions de dollars rapporte plus de deux fois plus), voilà encore un film du" Woodie Allen noir" qui fît couler l'encre des râleurs.. Mais toujours pas l'ombre de racisme ou de mysogynie, juste un regard personnel et non édulcoré.

JUNGLE FEVER - Spike Lee (1991)

Flipper Purify (Wesley Snipes) est un bon père de famille. Dans sa boîte d'architectes, une nouvelle secrétaire Italo-Américaine (Annabella Sciorra) est engagée alors qu'il avait demandé une Afro-Américaine. Cet épisode lui démontre qu'il n'est pas pris au sérieux dans cette entreprise dirigée par des Blancs (dont il est pourtant un des principaux maître d'oeuvre) ; et, en même temps, il couche avec Angie, cette nouvelle secrétaire.
C'est le début de la descente aux enfers pour Flipper : quitté par sa femme (Lonette McKee), sévèrement jugé par ses amis, mis au ban par son père (Ossie Davis)... Angie, elle, est battue et insultée par son père, expulsée de chez elle, elle est aussi jugée par ses proches.
On assiste en parallèle à une autre lente descente aux enfers. Celle de Gator (Samuel L. Jackson), le frère de Flipper, qui sombre dans la drogue...
Régis Dubois (dans Le cinéma des Noirs Américains, entre intégration et contestation) résume parfaitement le film : "Jungle Fever fait, à l'instar de ses protagonistes, le constat amer du racisme aux Etats-Unis. C'est un drame urbain âpre et sans concession, provocateur et dérangeant, qui offre une vision on ne peut plus pessimiste des relations interraciales, doublée d'une exploration tout aussi pessimiste et alarmante des ravages de la drogue".

Rien n'est complaisant, comme d'habitude. Spike Lee met en avant une multitude position sur les relations interraciales : les plus bêtement racistes (la plupart des Italo-Américains), les fantasmes, les jugements moraux (le père de Flipper), les interrogations des femmes noires (ce qui donne lieu à une scène géniale), les romantiques qui se foutent de la couleur (le pauvre Paulie -John Turturro- finalement un des héros du film)...
Comme dans School Daze, Lee plonge aux tréfonds de la conséquence de plusieurs siècles d'esclavage et de séparation : les différences de teinte de peau, et leur importance (étonnante et mésestimée de notre coté de l'Atlantique) dans les relations sociales.
Pas de réponses, juste des pistes, des mises en garde loin "des films de Walt Disney" comme le dit Flipper.

L'humour est au rendez-vous. La patte de Spike Lee est toujours présente avec ses rouges saturés, ses décors qui défilent sans que les personnages bougent, son attrait pour filmer les corps (dont une scène d'amour interraciale inédite et révolutionnaire pour l'époque)...
Le générique est excellent ; la caméra de Lee nous fait traverser Harlem (en tout cas, sa version de Harlem), tandis que des panneaux de signalisation en surimpression annoncent le casting.

Gros casting d'ailleurs : Wesley Snipes dans le rôle principal (que l'on avait vu dans le précédent Lee, Mo' Better Blues), Annabella Sciorra, Halle Berry dont c'est le premier long métrage, le grand Anthony Quinn qui joue le père de John Turturro (Spike Lee lui donne là le meilleur rôle de leur longue collaboration, avec peut-être son interprétation du parrain dans She Hate Me), Samuel L. Jackson (pour sa dernière collaboration avec Lee, il gagnera avec ce rôle le "meilleur second rôle" du Festival de Cannes).
Il y a aussi la toujours splendide Lonette McKee -qui débute au crépuscule de la blaxploitation dans Sparkle et Which Way Is Up ? puis Cotton Club, Malcolm X, Men of Honor, ATL-, la rappeuse Queen Latifah, Tyra Ferrell, Charles Q. Murphy, Theresa Randle... Et, comme dans Do the Right Thing, on retrouve LE couple du cinéma noir : Ruby Dee et Ossie Davis.
Coté blanc et latino, citons Miguel Sandoval et Rick Aiello dans le rôle des flics (les officiers Ponte et Long, comme dans Do the Right Thing), Tim Robbins, Frank Vincent...
Bref, un bon Spike Lee, et de toute façon, un incontournable.

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