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lundi 11 juin 2012

Antilles sur Seine

Commençons notre exploration des rares comédies françaises réalisées et jouées par des Noirs. Très sous-estimé, cet Antilles sur Seine est pour moi un petit bijoux tant il regorge de détails qui lui confèrent presque un label "Black Power"...

ANTILLES SUR SEINE - Pascal Légitimus (2000)

Horace Ste Rose (Med Hondo) est le mère de Grand-Bourg, la capitale de Marie-Galante, dont les terrains sont convoités par des promoteurs sans scrupule. Et lors d'un voyage à Paris, sa femme est kidnappée. La rançon ? Elle consiste bien sûr à céder les terrains en question.
Les fils Ste Rose, Freddy et Manuel (Edouard Montoute & Thierry Desroses), un animateur d'une radio locale et un chirurgien de la Salpétrière, se rendent auprès de leur père. Les trois hommes décident de prendre les choses en main et débarquent à Paris.
L'enquête est confiée au lieutenant Herman (Chantal Lauby), mais sa hiérarchie freine ses  recherches.
Un ancien agents des RG, Gertrude Boisec (Georges Mathieu) apporte sa précieuse aide aux Ste Rose et leur assure le soutien de la communauté antillaise de la capitale, des policiers aux balayeurs, des professions hospitalières aux postiers, des personnels d'EDF-GDF aux conducteurs de métro...

Le casting est alléchant, mais le scénario et la réalisation sont très basiques. Pourtant, Pascal Légitimus signe un film vraiment réfléchi, aux références multiples et derrière une comédie apparemment bon-enfant, on peut découvrir un manifeste pour une juste représentation des Noirs à l'écran et une ode à la solidarité communautaire.
Rien de manichéen cependant : il y a des bons et des méchants, des riches et des pauvres, des salauds comme des altruistes, des rigolos et des sérieux... bref tout sauf les bénis-oui-oui comiques ou gros bras qui servent de faire-valoir (même lorsque le propos relève d'un anti-racisme bon teint) aux quelques productions audiovisuelles françaises qui "utilisent" des actrices et acteurs de "couleur".
Malgré tout, le film peine à dépasser 500 000 milles entrées. D'abord, il faut bien avouer que l'affiche comme la bande-annonce ne donnent pas envie (mais surtout elles sont à des lieues de ce que propose le film) ; la cause de ce succès mitigé, c'est plutôt que la France n'était pas prête à transformer une comédie présentée comme "communautaire" en succès. Dommage !

Artisan principal de ce projet, et dans la lignée des grands réalisateurs afro-américains de Van Peebles à Spike Lee, Pascal Légitimus tient presque toutes les rennes et porte les casquettes de réalisateur, scénariste, acteur et compositeur (et comme eux, s'entoure de sa famille : avec son père Théo bien sûr, et les musiciens Clément et Dominique).
Et, comme les grands comédiens Richard Pryor, Eddie Murphy ou Martin Lawrence, Légitimus campe plusieurs personnages : un animateur de radio, le grand-père Ste Rose, un chauffeur de taxi, une postière et une concierge blanche. Ces personnages sympathiques sont par moment caricaturaux, mais il est utile de noter que c'est l'artisan principal du film qui les concentre sur lui-même, comme pour en conjurer les méfaits.

Le casting est composé de quasiment tout ce que la télévision et le cinéma français compte d'actrices et acteurs noirs : Edouard Montoute, Thierry Desroses, Jacques et Jean-Michel Martial, Greg Germain, Laure Moutoussamy, Lucien Jean-Baptiste, Ricky Tribord, Anthony Kavanagh, Mylène Wagram, Otis Ba ou encore Luc Saint-Eloy, un acteur "black listé" après ses prises de position publique durant une cérémonie des Césars.
Le rôle principal est confié à Med Hondo, originaire d'Afrique, réalisateur, acteur de cinéma, de télé et de théâtre, il est -malheureusement- connu de tous pour sa voix, puisqu'il double depuis 30 ans le comique Eddie Murphy dans les versions françaises ; on peut -et on doit absolument !- le voir aux cotés de plusieurs membres de la famille Légitimus dans Les verts pâturages. Légitimus exploite à fond cette injustice artistique en lui offrant un rôle respectable d'homme combattif d'une part, et en lui faisant doubler avec "sa" voix de Murphy un chauffeur de taxi (scène que partage plus bas).
Dans une autre scène sont réunies plusieurs autres voix comme célébrissime Maïk Darah (qui double Whoopy Goldberg ou Monica dans Friends.

Il y a aussi pas mal d'acteurs blanc. Bien entendu ses accolytes des Inconnus : Bernard Campan et Didier Bourdon, ainsi que Daniel Russo, Georges Mathieu, Serge Riaboukine, Hélène Vincent...  et, plus étonnant le duo comique Chevallier et Laspalès. Quant à Chantal Lauby, elle apporte son coté décalé qu'on lui connaît et son duo avec son subordonné souffre-douleur, incarné par Pierre-Olivier Mornas, fonctionne à merveille !

Le guest des guests c'est Melvin Van Peebles, le père du cinéma indépendant afro-américain et précurseur, à son corps défendant de la blaxploitation. Avec cette apparition, c'est plus qu'un clin d’œil que fait Légitimus, c'est l'affirmation de sa démarche artistique et l'affirmation d'une filiation. Même si on est loin de l'aspect politique du révolutionnaire Sweet Sweetback..., convoquer Van Peebles n'est pas anecdotique. Ainsi, et pour conclure, Pascal Légitimus profite de sa renommée pour essayer de créer un cinéma des Noirs de France, un cinéma qui offre de vrais rôles aux actrices et acteurs "de couleur".
Pour cela rien n'est laissé au hasard dans cette comédie faussement gentillette où chaque micro-détail est calibré pour rendre hommage au travail des actrices et acteurs noirs et plaider en faveur d'une meilleure représentation de ce que Luc Saint-Eloy appellait "les minorités visibles".

2 commentaires:

  1. Je suis assez d'accord avec toi. Ce film a été descendu en flèche par la presse et ne méritait pourtant pas tant de mépris. Et comme tu le dis très bien, Légitimus a réalisé un film-manifeste pour un cinéma noir français grand public - à défaut de faire un film vraiment politique. Rien que pour cette raison déjà, le film mérite le détour :-)

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  2. ...et quand on invite Melvin Van Peebles sur un tel film, ça ne peut pas par hasard ;-)

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