jeudi 19 février 2009

"La Guadeloupe a été construite sur des rapports de classe et de race"

Comment comprendre ce qui se passe aujourd'hui en Guadeloupe ? Déjà en consultant les infos à la source, comme le site du LKP (Liyannaj Kont Pwofitasyon, le collectif contre l'exploitation qui regroupe plus d'une quarantaine de syndicats et d'associations), celui de l'UGTG (l'Union Générale des Travailleurs de Guadeloupe) ou même de consulter les journaux télévisés de RFO, beaucoup plus fournis que ceux de France.
Suivent le clip Chez moi de Casey, sur la Martinique qui repose certaines bases loin des clichés ensoleillés et de la Compagnie Créole. Ensuite, une mise au point (qui date du début du mois de février et trouvée sur ce blog) de Elie Domota, le porte-parole du LKP qui explique à merveille les ressorts du racisme et de l'exploitation en Guadeloupe.



"Extrait de la déclaration de M. ELIE DOMOTA du LKP
Rappel du contexte :
Le mercredi 28 janvier 2008, lors des négociations entre le collectif Lyannaj Kont Pwofitasyon, les élus , les représentants des socio professionnels et l’encadrement de l’Etat, le préfet quitte les négociations. L’ambiance est lourde. Monsieur Willy ANGELE, président du MEDEF Guadeloupe affirme qu’il est prêt à travailler sur un projet de territoire s’il le faut, il exprime, à travers son expérience de Mai 1967, son aversion pour les débordements violents et ne veut pas voir son pays se déchirer comme le firent les Tutsis et les Hutus.

Je tiens à réagir au propos concernant les hutus et tutsis. Je salue Monsieur ARCONTE, directeur du Travail qui est resté dans cette réunion, je ne sais pas s’il est Hutu ou Tutsi.
Tout simplement pour affirmer monsieur ANGELE (patron du MEDEF Guadeloupe), que nous ne pouvons nier que vous, madame KOURY (présidente de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Pointe A Pitre) M. PAYEN (membre du Comité Economique et Social) soyez des guadeloupéens, ce n’est pas notre propos. Ce que nous affirmons est que la société guadeloupéenne s’est construite sur des rapports de race et de classe depuis 400 ans. Aujourd’hui dans la pyramide, le pouvoir correspond à une couleur, on vient de le constater (les représentants de l’Etat ont quitté les négociations).
En Guadeloupe actuellement, au sommet de la pyramide, on retrouve les blancs et les européens, au bas de l’échelle se situent les nègres et les indiens, c’est un constat. On nous parle de paix sociale ! La paix sociale ne peut exister dans un pays quand la majorité de ses enfants est exclue du travail, est exclue du savoir, est exclue des responsabilités (…) Aujourd’hui, en analysant les 50 plus grandes entreprises en Guadeloupe, leurs cadres ne sont pas des guadeloupéens d’origine africaine ou indienne, c’est la vérité ! En observant les administrations, les services de l’Etat, les chefs de services et les cadres ne sont pas majoritairement des guadeloupéens d’origine africaine ou indienne !
Dire le contraire, c’est mentir, c’est la vérité !
Quels sont les services que les guadeloupéens d’origine africaine et indienne gèrent en Guadeloupe ?
Ce sont les services qui relèvent de la gestion de la misère ! La CMU (la Couverture Maladie Universelle), monsieur YACOU, le RMI (le Revenu Minimum d’Insertion) monsieur LUBETH, le pôle emploi ANPE-ASSEDIC monsieur DUMURIER, la CAF et l’API (l’Allocation Parent Isolé) monsieur SAINT-CLEMENT. Les guadeloupéens d’origine africaine et indienne gèrent la misère des guadeloupéens ! Dans tous les autres services de l’Etat qui exercent un pouvoir, tant dans leur direction que dans leur staff d’encadrement, on ne trouve pas de guadeloupéens d’origine africaine ou indienne !
Bien évidement, on nous parle de formation, c’est faux archi faux !
Nous connaissons des diplômés « à la tonne », ils ne travaillent pas en Guadeloupe ! Dernièrement, j’ai reçu une jeune femme diplômée en ressources humaines qui postulait sur un poste à Air France ; on lui a proposé un poste d’hôtesse de l’air. Sur ce poste a été recrutée une personne venant de France avec moins de diplômes qu’elle !
Nous l’interprétons ainsi, des questions de couleur de peau, la réalité telle que nous la percevons. En France, concernant les offres marchandes dans le secteur privé, 6% des ces offres sont gérées par l’intérim et les cabinets de consultants. En Guadeloupe 50% des ces offres sont gérées par ce secteur ! Et qui dirigent ces cabinets d’intérim et de consultants ? Qui y travaillent ? Ce ne sont pas majoritairement des guadeloupéens d’origine africaine et indienne !
Aujourd’hui en Guadeloupe, on embauche du personnel sous le sigle BBR ! Un bleu blanc rouge ! J’ai travaillé en France, il m’a été demandé d’embaucher un BBR, un 01 codification informatique 01 signifiant « nationalité française » ! Ou un vrai 01 signifiant un français blanc ! Voilà ce qui se passe sur la discrimination raciale à l’embauche. Cela explique pourquoi de jeunes diplômés guadeloupéens et martiniquais ont déjà mis en ligne plusieurs blogs dont http://antildiscrim.skyrock.com/ où ils expriment ce qui leur arrive, la victimisation dans le système !
C’est la vérité, la Guadeloupe a été construite sur des rapports de classe et de race qui perdurent depuis 400 ans !
Le système de la plantation a été maintenu, prenons des exemples monsieur ANGELE. Prenons des entreprises comme CARREFOUR, MR BRICOLAGE, est ce que la photographie de leur encadrement correspond à la réalité ethnique de la Guadeloupe, à la réalité sociale ?
NON et NON !
C’est une évidence !
Face à cette situation, nous affirmons pour répondre à votre remarque sur les Tutsis et Hutus, que nous ne sommes pas du tout dans ce schéma, nous ne contestons pas que vous soyez guadeloupéen tout comme monsieur PAYEN, sinon on se mettra à contester le caractère guadeloupéen de n’importe qui ! Nous l’affirmons de nouveau, la paix sociale ne peut exister dans un pays quand la majorité d’un peuple est exclue ! Et aujourd’hui en Guadeloupe, 99,99% des chômeurs sont des guadeloupéens d’origine africaine et indienne !
Prenons encore des exemples, à Jarry, des commerces qui ont ouverts récemment comme Décathlon, Kiabi, Casino. Je travaille à l’ANPE, qui était chargée de réaliser le recrutement de Décathlon.
Nous avons travaillé à la sélection, aux offres d’emploi comme il le fallait. Par la suite, un cabinet de consultants payé par le groupe HAYOT a « nettoyé » le travail, ensuite le personnel est venu de Paris ! Je suis persuadé qu’en visitant ce magasin n’importe qui a été interpellé, nous n’interdisons à personne de travailler, par le fait qu’il est surprenant d’embaucher un personnel venant de PARIS pour être caissière à Pointe A pitre ! Lorsque nous posons ce problème, on nous taxe de racisme ! Nous résidons dans un pays de 1600 km2, 460 000 habitants, 60 000 chômeurs, nous avons avec la Guyane le plus important taux de chômage ! Nous avons vu récemment un courrier de monsieur VION (hôtelier) affirmant qu’on soit de la Creuse, de la Guadeloupe, de la Corrèze ou de la Normandie on est français.
Ce n’est pas aussi simple monsieur VION !
Comment voulez vous que la paix sociale existe en Guadeloupe si les guadeloupéens ne peuvent pas y travailler ! J’ai eu l’occasion de vous rencontrer madame Jeanny Marc (maire de Deshaies, député de la 3è circonscription) sur ces questions concernant particulièrement l’hôtel Fort Royal.
Un jour est arrivée à l’ANPE une offre d’emploi pour l’embauche de 40 personnes ayant comme tâches de couper de l’herbe, laver la vaisselle, nettoyer les chambres, faire les lits, porter les bagages, avec comme contrainte « anglais lu parlé et écrit obligatoire ! » Cela signifie que si nos enfants formés au lycée hôtelier avec un niveau bac+2 ou bac+3 parlent anglais couramment, c’est cela leur destinée que de laver la vaisselle dans un hôtel à Deshaies ? Nous avons de nombreux jeunes diplômés en Guadeloupe qui sont obligés de procéder à l’ensachage de clous dans des entreprises à Jarry ou réalisent des sandwichs dans des fast-foods ! C’est cela qui leur arrive car ils refusent de partir et de quitter leur pays espérant à terme trouver un job ! D’autres par contre, partent, prennent l’avion ! Une fois arrivés par exemple en Allemagne ou ailleurs, c’est fini : ils ne reviendront qu’en vacances, un fois peut être, ils fonderont une famille, leurs enfants seront allemands, australiens ou autre et c’est ainsi que la Guadeloupe perd ses forces vives !
Le processus que nous venons de décrire concernant l’hôtel Fort Royal est très subtil, vous le savez bien monsieur ARCONTE : dès qu’une offre d’emploi a été déposée dans le service public de l’emploi et que cette offre n’a pas été satisfaite dans un délai de 30 jours, car pour cette offre on n’aurait trouvé personne en Guadeloupe, dans ce cas la législation permet d’opérer « l’introduction de main d’oeuvre étrangère » ! C’est ainsi que tout naturellement 45 suédois ont pris les postes dans un hôtel appartenant à la collectivité régionale !!! Cela nous permet d’affirmer haut et fort qu’il faut une priorité d’embauche aux guadeloupéens en Guadeloupe ! Il faut que ce qui se passe au sommet corresponde à la situation ethnique et sociologique du pays !
Cela est la règle dans tous les pays !
Pourquoi aujourd’hui en France à partir de ce qui s’est déroulé au Etats-Unis, Christine KELLY a été nommée au CSA, on a avec empressement nommé une préfète d’origine Camerounaise sans même s’apercevoir que madame PIERROT guadeloupéenne de Trois-Rivières occupe depuis longtemps ce type de poste ! Ces questions nous les posons sans haine de façon justement à ne pas arriver à la haine !
Car si l’embrasement des banlieues a eu lieu il y a 2 ans, c’était justement parce que ces jeunes se sentant exclus affirmaient : « Nous sommes français ! » De ce fait une série de mesures furent appliquées, train pour l’emploi, etc… Ici nous sommes toujours dans le même système, un système construit sur des rapports de classe et de race depuis 400 ans ! Nous ne reviendrons pas sur les chiffres, nous sommes les premiers concernant les jeunes filles mères, nous sommes les premiers avec les guyanais pour le SIDA, nous sommes les premiers dans nombre d’aspects négatifs ! Par contre dans le domaine sportif, lorsqu’il s’agit du capitanat de l’équipe de France de foot, réaliser des performances en athlétisme, nous sommes demandés !
Au point pour nous d’intégrer les domaines où nous sommes cantonnés ! Lilian THURAM est un grand sportif mais tout nos enfants, seront-ils des Lilian THURAM ? Seront ils des Teddy RINER ? Non ! Cela signifie que tout nos enfants ont droit à la réussite !
Quand j’étais petit, je lisais BLEK, YATACA, ZAMBLA et AKIM ! Comme tous les jeunes de mon âge ! En grandissant, un adulte m’a interpellé me déclarant « Domota, quelque chose ne va pas : le héros, tout seul le plus fort dans la foret, commande tous les nègres, tous les serpents, tous les gorilles, toutes les bêtes, le seul blanc commande tout le monde ! »
Alors évidemment on se réfère au héros !
Les héros des guadeloupéens aujourd’hui, qui sont ils ? Thierry HENRY, Lilian THURAM !
L’épanouissement, la réussite par le sport sont des notions fondamentales !
Admettons que nos enfants ne peuvent avoir comme seuls modèles Thierry HENRY et Lilian THURAM ! Il faut que nos enfants aient comme modèle Nicolo, d’autres personnes s’illustrant dans d’autres domaines, il faut que nos enfants osent affirmer : « je voudrais être un jour monsieur Météo ! »
Depuis 25 ans c’est toujours le même actuellement M. R. MAZURIE ! Nous devons viser l’excellence mais pour la Guadeloupe ! Nos enfants dans leur développement, lorsqu’ils regardent la télévision ne voient personne qui leur ressemble !
Dans les activités professionnelles, celui qui symbolise la réussite ne nous ressemble pas ! Par contre celui qui est dans la rue nous ressemble ! On finira par intégrer si nous sommes croyants que c’est une malédiction ! Rappelons nous lorsque CHAM fut banni, « Tu seras l’esclave de tes frères », n’est ce pas monsieur LUREL, vous parliez de Dieu précédemment. CHAM était l’esclave de JAPHET et de SEM. SEM étant la lignée des sémites les juifs et les arabes, JAPHET celle des blancs !
Depuis la nuit des temps était écrit que les nègres seraient les esclaves des juifs des blancs et des arabes ! Nous finirons par intégrer cette soi-disant malédiction ! Ou bien nos enfants finiront par se dire à quoi bon aller à l’école, continuer à faires des études d’agriculture, de toutes les façons nous sommes au pied de la croix, restons dans la rue, prenons les armes !
Voilà le modèle de société vers lequel nous nous dirigeons, que nous devons condamner combattre et nous mettre ensemble pour en changer le cours et ne pas nous diriger vers une impasse !
Car nous dans cette assemblée, nous pouvons penser que nous avons réussi notre parcours social : j’ai 42 ans et 3 enfants ; je suis directeur adjoint à l’ANPE. J’ai réussi quoi aujourd’hui ? Un parcours personnel ? Mais que laissons nous pour nos enfants ?
Un pays meurtri !
Nous avons eu la démonstration aujourd’hui que nous devons prendre notre destin en main car la politique publique de l’Etat français, ne répond pas à nos exigences ! Monsieur LUREL, rassurez-vous, nous ne sommes pas dans une démarche politicienne car chaque fois que vous vous exprimez, vous êtes toujours en train de régler les comptes avec d’autres mais cela ne peut s’adresser à nous. Notre démarche vise à régler les exigences sociales prioritaires du peuple guadeloupéen en souffrance aujourd’hui !
Ajoutons concernant les Hutus et les Tutsis et le respect de la démocratie : le gouvernement Pétain était légitime (s’adressant à monsieur ANGELE), le code noir était légitime (rectification de monsieur ANGELE : « Pas légitime, légal »), pardon il était légal ; donc vous êtes pour la légalité. C’est pour cela que j’affirme que tout a une limite et que c’est donc le fait qui fait le droit ! Si nos ancêtres n’avaient pas estimé que le Code Noir légal ne fût pas illégitime, nous en serions toujours à l’esclavage !
Je voulais simplement apporter cette nuance pour affirmer que ce n’est pas parce que un concept est légal qu’il soit correct. Aussi nous avons entendu les propositions de monsieur LUREL, celles de monsieur GILOT, celles de madame Jeanny Marc. Nous souhaitons travailler sur vos propositions et nous vous serions gré de nous les faire parvenir par écrit, de façon que nous puissions les étudier nous aussi."
Ce week-end, dans toutes les grandes villes de France, appel à se rassembler pour soutenir les peuples des Antilles, la grève générale et leurs justes revendications, et contre la répression et le pourrissement opéré par l'Etat français.
Vendredi 20 février
Blois, 18h00, Préfecture
Tours, 18h, Place Jean Jaurès.
Samedi 21 février
Lille, 15h, Place de la République.
Paris, 14 h, République.
Toulouse, 14h, Préfecture.

mercredi 18 février 2009

Solidarité avec la Guadeloupe et la Martinique !

Parce que un camarade syndicaliste a été tué hier soir...
Parce que l'Etat français a laissé pourrir la situation...
Parce que les revendications des peuples des Antilles sont justes et légitimes...

Solidarité avec la Guadeloupe
et la Martinique !

lundi 16 février 2009

Naissance d'une Nation... et du cinéma raciste hollywoodien

Et si on reprenait du début ??

Je parle souvent de la Blaxploition. Mais si ce "courant" du cinéma américain me semble important -outre ses couleurs flashies, ses pimps, ses héroïnes charismatiques et ses black panthers- c'est parce qu'il tranche radicalement avec l'images et les rôles des Africains-Américains véhiculés depuis presque un siècle par le cinéma d'Hollywood. Jusque dans les années 60 -à de très rares exceptions près- l'industrie hollywoodienne a cantonné les Noirs dans des rôles au mieux de nounous débonnaires et de serviteurs fidèles, au pire de perverses métisses, de débiles ou de violeurs.

THE BIRTH OF A NATION - David Wark Griffith (1915)
« Le gouvernement avait dissout en 1870 cette organisation violemment raciste et qui préfigurait par certains côtés les fascismes mussolinien et hitlérien. Mais le Klan avait en fait survécu, et les réactionnaires sudistes rêvaient de sa renaissance. Elle se produisit en effet ultérieurement, sur une grande échelle, à partir de l’automne 1915. […] Le livre de Thomas Dixon, le film de Griffith, par leur apologie du Klan furent des oeuvres de propagande qui contribuèrent à faire renaître l’organisation terroriste. »
(SADOUL Georges, Histoire générale du cinéma)

The Birth of a Nation est le premier grand film américain. Griffith va imposer une réalisation nouvelle, faite de changements de plan et de montage. La prouesse est aussi technique, puisqu’il invente le long métrage en filmant sur quatre bobines (jusqu’alors la norme étant une, voire deux pour les plus hardis). Il dure près de trois heures. Peu modeste, Griffith semble conscient de la place de son oeuvre dans l’histoire naissante du cinéma ; pour preuve le film débute par ce plaidoyer : « Une place pour le septième art. Nous ne craignons pas de paraître indécents ou obscènes aux yeux de la censure, mais nous revendiquons comme un droit la liberté de montrer la face obscure des choses pour mieux en éclairer la face vertueuse. La même liberté qui est accordée à l’art de la littérature, cet art auquel nous devons la Bible et l’oeuvre de Shakespeare. »
Par ailleurs, il est resté dans l’histoire du cinéma comme le premier film « à grand spectacle ». Il mobilise plusieurs centaines de figurants et met en images des reconstitutions historiques -du moins ce que Griffith considère comme l’Histoire- de batailles épiques de la Guerre de Sécession et affrontements des armées de Lee et de Grant, de l’assassinat d’Abraham Lincoln…
Pour le scénario de son film, David Wark Griffith s’inspire très largement des écrits racistes du pasteur Thomas Dixon et en particulier de The Clansman (comme précisé dans l’introduction du film). Le film met en scène une famille de propriétaires, les Cameron, dans la ville de Piemont. Ils sont pris dans les affres de la Guerre de sécession : pillés par les Yankees et mis sous la coupe des Noirs, menés par le mulâtre Sylas Lynch. Le Ku Klux Klan, créé par un des fils de la famille, viendra à bout de la terreur noire et restaurera les valeurs du Sud (« Grâce au Ku Klux Klan, le Sud a été sauvé de l’anarchie du régime noir. »).

Ce film produit les cinq figures noires majeures (à lire en anglais : Donald Bogle, Toms, Coons, Mullattoes, Mammies and Bucks) du cinéma américain, hollywoodien en particulier : le Tom, le coon, la mulâtre malheureuse, la mammy et le black buck. Dans The Birth of a Nation, ces figures sont réparties entre cinq personnages noirs majeurs : Mammy, Lydia Brown, « le serviteur » des Cameron, Sylas Lynch et Gus. Ceux-ci peuvent être classés en deux catégories distinctes et opposées : d’abord les Noirs qui restent fidèles aux Cameron, les propriétaires blancs, ces Noirs qui connaissent et respectent les lois du Sud. En second lieu, les Noirs qui veulent l’égalité, ceux qui s’émancipent, se libèrent au prix du sang voire de « l’oppression raciale » des Noirs sur les Blancs.

-->Les serviteurs fidèles : « le serviteur » et Mammy
Dans la première catégorie, on retrouve essentiellement les domestiques d’intérieur, en l’occurrence Mammy et « le serviteur » (servant tous les deux chez les Cameron) et le majordome de Stoneman (l’ami nordiste des Cameron).
Mammy est grosse, d'un certain âge. Elle est forte de caractère et commande aux autres noirs. Elle est comme un membre de la famille Cameron ; elle est présente dans la première scène où l'on voit les Cameron. Elle est à l'unisson sentimental de ses maîtres : attendrie pour les scènes d'amour filial, compatissante aux malheurs de ses propriétaires.
Le serviteur est un personnage à qui le film n'attribue aucun nom. Il est une des figures communes du nègre : le coon. Il est victime des Noirs libres qui lui reprochent d’être encore au service de ses maîtres et qui tentent de le pendre6. Naïf, niais et fidèle, il se tient le dos courbé, la tête affaissée entre les épaules et les yeux écarquillés. Ces deux personnages sont ouvertement sudistes, pro-esclavagistes -même si rien n’est clairement affiché dans ce sens- et fidèles, malgré leur liberté acquise -officiellement- face à leurs anciens maîtres. On trouve des exemples de cette fidélité à plusieurs reprises lorsque Mammy réprimande un noir se moquant de son maître -soutenue par l’interstice : « Leurs braves serviteurs leur viennent en aide. »-, ou qu’avec « le serviteur », ils organisent la libération de Cameron, emprisonné par les Yankees qui le livrent à la foule noire en furie.

La figure du Tom, le serviteur fidèle, est mise en avant par The Birth of a Nation. Ainsi, le majordome de Stoneman, le nordiste libéral, est un Tom. En effet, ce n’est pas un esclave, il est d’ailleurs présenté comme « un Noir libre du Nord » ; mais sa liberté n’est pas visible à l’image, il n’existe que pour son maître, seulement pour le servir : il lui sert de majordome, de porteur, de cocher…

-->La menace noire : les mulâtres et les violeurs
L’autre catégorie rassemble les noirs au service des yankees. Les mulâtres sont des métis représentés avec la peau plus claire) et sont présentés objectivement par Griffith comme les personnages les plus dangereux, avec les violeurs. Or, ces deux dangers sont la mise en image de ce que les suprémacistes du Klan redoutent et condamnent par-dessus tout : la miscegenation, le métissage ; miscegenation synonyme à leurs yeux de la fin de la pureté de la race blanche. Il promeut -si ce n’est consciemment, du moins dans les faits- la preuve que le métissage est un échec, voire un danger, puisque les Noirs les plus malfaisants, et possédant du pouvoir, sont des mulâtres. Lydia Brown, Sylas Lynch, et même Gus (qui n’est pas un mulâtre) sont là pour personnifier la même idée, celle du Ku Klux Klan : « le nègre qui charrie dans son sang le désir forcené du mélange des races, est plus dangereux qu’une bête sauvage et il doit être et sera sous contrôle. »
Lydia Brown, présentée comme une « mulâtre », n'apparaît que dans la première partie du film (et l'introduction de la deuxième). Elle nous est d'emblée présentée comme réticente envers les blancs et ne remplissant pas correctement ses tâches de service. Elle est vicieuse, calculatrice, sexuelle... Elle est plus tard montré comme les autres Noirs, incapables d’exprimer ses sentiments en dehors de l'exubérance. Comme, par exemple, lors de la réunion d’intronisation de Sylas Lynch où elle fait de grands yeux écarquillés et tape frénétiquement des mains, en signe d’acquiescement.
Sylas Lynch n'apparaît qu'au début de la deuxième partie. Ses traits sont caucasiens (il ressemble plus à une caricature antisémite du début du XIXème en Europe qu'à une caricature d'un Nègre) et il est en effet qualifié de « mulâtre chef des noirs. ». Il doit son rang à un blanc puissant, le nordiste Stoneman. Lynch se sert de son pouvoir pour construire un parti noir qui dirige peu à peu la ville de Piemont et ses habitants blancs, et ce par tous les moyens : inciter les noirs à ne plus travailler, leur donner des habits et à manger, faire des réunions et promettre aux Noirs l’égalité, empêcher les blancs de voter ou lorsqu’il tue d’ "innocents" Klansmen. Le sommet de son ignominie est la tentative de viol perpétrée contre la fille de son protecteur, la virginale Elsie Stoneman. Il la brutalise, les yeux exorbités, la mâchoire avancée et les doigts recroquevillés comme des serres.

Mais les signes préparant le spectateur à cette tentative de viol -empêchée par les chevaliers du Klan- sont nombreux : il la regarde avec ses gros yeux et sa mâchoires avancée -l'air envieux- puis il l’espionne dans la forêt ou s’oppose à son prétendant, le fils des Cameron…
Le dernier personnage, Gus, n'apparaît vraiment que dans quelques scènes, dont une centrale ; celle de la longue (plus de 10 minutes) poursuite et de la tentative de viol de la jeune Flora Cameron. Alors qu’elle joue avec un écureuil dans la forêt, il l’accoste, lui fait des avances qu’elle refuse en s’enfuyant. Il la poursuit, et elle préfère mourir en se jetant d’une falaise. Gus se cache et « les hommes de la ville se mettent à la recherche du coupable, afin qu’il soit légalement jugé par le sombre tribunal de l’Empire Invisible. » Largement complaisant, le réalisateur nous montrera Gus jugé et pendu par les hommes du Ku Klux Klan.

-->Des Noirs dépendants du Blanc
Dans les deux cas, qu’ils soient fidèles ou dangereux, les Noirs sont placés comme dépendants du blanc. Même les soldats du Nord sont présentés comme manipulés par les blancs, leur attitude (pillages, lynchages, oisiveté, profits extorqués aux sudistes…) sont la conséquence des politiques de Lincoln et des Yankees. Mais même dans la narration, les Noirs sont tributaires des Blancs : l’oisiveté des Noirs est incitée par les Blancs, les Blanches attirent les « mâles nègres », l’émancipation est accordée par les Blancs, les propriétaires sudistes, et leurs esclaves, sont oppressés par les blancs, dont les noirs ne sont que le jouet…
Bien entendu, ces deux fractions majeures sont en opposition. Mammy les traite de « Petite vermine du Nord » ou s’étonne (en condamnant) de leur nouveau statut « des noirs libres du Nord ! » ; tandis que les « noirs libres » organisent le lynchage des esclaves refusant l’émancipation.
Mais quelque soit le « bord » représenté par le noir, les caractéristiques physiques et morales varient peu : yeux globuleux et fuyants, faciès lâches, épaules voutées, tête tirant vers le bas, lèvres proéminentes, mâchoire inférieure avancée en signe de mécontentement ou d’attaque…
De nombreuses critiques s’élevèrent à la sortie du film, mais ce long métrage marque le début non seulement du cinéma hollywoodien, mais aussi la production et l’implantation dans le cinéma des figures noires, négatives et/ou dépendantes du Blanc. Hollywood prospéra aussi bien que ces représentations...

Ces 5 figures noires vont être réutilisée de façon caricaturale tout au long de l'histoire du cinéma ou de la télévision américaine (de Autant en Emporte le Vent à Forrest Gump ou La Couleur Pourpre, en passant par la série Desperate Housewives). A de rares exceptions près, c'est dans les années 70, avec le cinéma de Blaxploitation que l'on va voir arriver des figures noires positives, des héros tout ce qu'il y a de surhumains comme Hollywood n'en avait jamais créé que pour les Blancs...

Allez, je vous laisse avec ce montage de scènes du film sur le Burn, Hollywood, Burn ! de Public Ennemy !

mardi 10 février 2009

France3 : Quand on est Noir, on est célèbre si on fait du sport ou de la chanson

Alors que je préparais la cuisine hier soir, et en fond sonore, y avait Question pour un champion. Bon… le décors est planté.

Arrivé à la partie des questionnaires, Julien Lepers propose donc à la première candidate de choisir un des quatre questionnaire ; mon attention est complètement happée lorsque j’entends que la candidate choisit « les Afro-Américains célèbres ». Ni une, ni deux je laisse mon économe et mes légumes sur ma planche et me précipite dans la pièce abritant la télé.
Suit la présentation de la candidate, en première année de pharmacie, et le lancement du questionnaire.Je suis fébrile, repasse mes classiques dans ma tête pour épater mes amis.
Première question sur l’acteur de Docteur Doolittle : haussement de sourcils de la candidate qui annonce la réponse Eddie Murphy. Eddie Murphy ! Ce que le cinéma américain a produit de plus avilissant et dévalorisant depuis Crissy dans Autant en Emporte le Vent !!! Le questionnaire commence mal.
Et là, s’enchaîne les Michael Jordan, James Brown, Michael Jackson, Hale Berry… Voui, voui, voui. Vous ne rêvez pas.

A l’heure où un président afro-américain officie à la Maison Blanche, France3 et Julien Lepers ne trouve comme « Afro-Américains célèbres » que des chanteurs, acteurs ou sportifs. Pas un « Black Panther Party », ou un « Malcolm Little, dit Malcolm X » ; pas de question sur l'inventeur du beurre de cacahuète, James Washington Carver ou sur la poétesse Maya Angelou ; pas même une question sur l’origine d’Obama ou une question sur le révérend Martin Luther King !!!
France3 et Lepers utilisent le plus ancien des procédés racistes qui consistent à cantonner les Noirs à leurs compétences physiques et artistiques (indéniables dans ces cas-là par ailleurs). Et le pire, c’est qu’ils ne s’en sont peut-être même pas rendu compte.

Honteux !!

mercredi 4 février 2009

Médine, l'arabian panther

A mon avis le rappeur qui mérite le plus d'attention par les temps bling-bling qui courent.



Originaire du Havre, Médine en est à son 5ème album solo (après 11 Septembre, Jihad, Table d'écoute et Don't Panik). c'est sans doute le plus aboutit. La couleur de l'album est très soul brother. Arabian Panther ; le titre pose les bases de l'album, la pochette rappelle la célèbre photo de Huey Newton avec le fusil et la lance.

Un album résolument tourné vers les combats pour l'égalité, la justice sociale et la tolérance. Et un max de références aux mouvements, à la culture et aux leaders afro-américains. Des hommages à MalcolmX, le révérend King, Huey Newton et Bobby Seale (les fondateurs du Black Panther Party), à Rosa Parks ou Betty Chabbaz (la veuve de Malcolm)... et la cerise sur le gateau est un énorme morceau de plus de 7 minutes : Enfant du destin (Kunta Kinte) qui raconte le début du livre et de la série TV de Alex Haley (historien et biographe de Malcolm X) sur ces ancêtres du village de Djoufouré (Gambie) aux champs de conton du Sud.

Je vous incite à visiter son blog et son nouveau site et visionner ses clips précédents (comme Etat des lieux, 11 Septembre, Lecture aléatoire ...)

Alors les bas-du-front vont bougonner parce que "quand même il est un peu muslim, non ? Quand même hein ?!?" Et puis y a sa barbe (qui nous vaut d'ailleurs une chanson plutôt légère et sympathique dans le dernier album)... Médine est musulman, ça fait partie de son être, c'est comme ça ; je pense que ça ne le disqualifie pas d'emblée. Et en plus quand on se prend un peu à écouter ses chansons, on y trouve beaucoup moins de prosélytisme religieux que de véritables hommmages aux combats collectifs du XXème siècle et à leurs représentants (de Martin Luther King à Mandela en passant par Arafat, Castro ou Lumumba).
Et au lieu de s'enfermer dans un délire théologique, Médine continue d'explorer des sujets très différents, d'écouter des chanteurs français ou de la soul, de se nourrir de livres ou de reportages. Et la chanson Besoin de révolution montre bien cette évolution : comme réponse à son Besoin de résolution d'il y a quleques années, Médine déplace le curseur des questions indiviuelles à des réponses collectives.

Le tracklist :

01: Self defense
02: Peplum
03: Portrait Chinois
04: RER D
05: Don't panik
06: A l'ombre du mâle , feat. Nneka
07: Pantherlude (ils peuvent)
08: Enfant du destin (Kounta Kinte)
09: Panther blues, feat. Tiers Monde
10: Code barbe
11: Camp delta
12: Besoin de révolution
13: Arabospiritual

Un album énorme pour un rappeur hors-normes !

Et pour se quitter en beauté, ce clip tiré du blog

dimanche 1 février 2009